Grand Tasting – Quelques photos samedi, 22 novembre 2008

Présentation des vins de la maison Drouhin. Ici le Laurène, Orégon 2005

Quatre millésimes d’Yquem pour plus de cent personnes, c’est une générosité à signaler.

Antoine Pétrus préparait le service des vins des Master Class. Il a mis des "écharpes" de fortune autour des cols de ces merveilleux vins de Guigal et de Gaja

Le Gaja Sperss 2004

Volnay Caillerets Ancienne cuvée Carnot Bouchard Père & Fils 1959 présenté lors de la prestigieuse dégustation couvrant 50 ans de vins qui ont marqué l’histoire

Les vins de la Master Class de prestige (voir texte)

dîner d’amis avec Romanée Conti 1981 à Taillevent vendredi, 21 novembre 2008

Quittant le Grand Tasting je rejoins mon épouse et nous arrivons au restaurant Taillevent pour un dîner de huit pour fêter un ami grand amateur de vins qui franchit la barre symbolique des cinquante ans. Il a fourni tous les vins sauf le premier et le dernier. Beaucoup seront bus à l’aveugle car il y a autour de la table de solides spécialistes des vins. Le menu a été mis au point par Jean-Marie Ancher, le directeur du restaurant, le chef Alain Solivérès bien sûr, et Jean-Philippe Durand, amateur et esthète, cuisinier de talent de surcroît.

Le menu : amuse-bouche / carpaccio de coquilles Saint-Jacques marinées aux agrumes / épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées / homard et châtaignes cuisinés en cocotte lutée / noix de ris de veau braisée aux légumes d’automne / perdreau patte-grise rôti salsifis et girolles / noisettes de chevreuil dorées sauce poivrade / stilton / mandarine en fraîcheur acidulée.

Le premier vin a été apporté par Jean-Philippe Durand, un Champagne Selosse millésimé 1998. Le miel est très imprégnant ainsi que le caramel. La longueur est belle et l’ampleur de ce champagne lui donne un goût plus évolué que ce que son âge supposerait. Quelques amis ont trouvé à l’aveugle ce champagne.

Le Bordeaux Supérieur «  G » de Château Gilette 1958, vin sec de cette propriété emblématique du Sauternes a une sucrosité forte associée à une  grande amertume. Après avoir erré dans mes supputations dans une autre région, j’ai imaginé qu’il s’agissait du vin sec d’un sauternes. C’est une chance, car la complexité incroyable de ce vin brouillait toutes les pistes. C’est vin déroutant mais excitant du fait de son originalité extrême. Le sucré de la coquille exquise rebondit sur le vin.

Le Chablis Grand Cru Les Clos Domaine François Raveneau 1978 est un vin magistral. Il combine des notes doucereuses à du litchi. Je pense à deux pistes : un Vouvray ou bien un chablis très ancien. Luc, l’ami qui nous reçoit, me pousse dans mes retranchements pour que j’accouche de Chablis alors que j’hésite. La minéralité et les agrumes m’y poussent. Ce vin délicieux, rareté historique, fait plus vieux que son âge, comme plusieurs ce soir, sans que cela nuise à son charme. L’épeautre est divin en risotto et c’est la sauce très réduite qui cajole le mieux le chablis.

Le Montrachet Grand Cru Baron Thénard 1988 est suffisamment lisible pour que nous trouvions tous sa région et sa sous-région. Mais le manque de puissance ne pousse aucun de nous à simplifier le nom de l’appellation pour ne garder que le mot le plus noble que nous attachions à d’autres : Montrachet. C’est un grand vin très subtil qui accompagne le homard époustouflant. Ce beau vin est déjà évolué.

Deux vins nous sont servis ensemble et beaucoup d’amis répondent presque instantanément « rive gauche – rive droite ». Manuel Peyrondet qui vient d’être sacré meilleur sommelier de France s’amuse de nos recherches mais vit avec respect l’expérience passionnante qui se déroule. Le Château Haut-Brion rouge 1958 a une trame très serrée et un goût fumé et de truffe intense. Comme un ami insistait sur Pauillac, je n’osais répondre Haut-Brion alors que je venais d’en goûter trois au Grand Tasting il y a quelques heures. Je m’en suis voulu d’avoir cette prudence. En revanche, je n’aurais pas trouvé le Château Ausone 1958, vin plus doux, arrondi dont j’entends mes amis parler de puissance à mon étonnement. J’ai préféré le Haut-Brion alors que beaucoup ont préféré Ausone. Ces deux vins de 1958 ont brillé sur la noix de ris de veau croquante à souhait, aux légumes à se damner.

Il est bien nécessaire de ne plus boire « à l’aveugle » pour se recueillir sur le vin qui suit. La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1981 est le rêve absolu. Et le fait de savoir ce que l’on boit permet d’en jouir encore plus. La robe est d’un rose pâle. Le vin n’est pas tonitruant. Son nez évoque les fleurs et fruits roses. En bouche, ce sont les pétales de rose, et les fruits roses, qui sont exposés avec la puissance du son mise à son maximum. Ce vin est horizontal. C’est-à-dire qu’à chaque seconde ou dixième de seconde de son passage en bouche, chaque élément chromatique est étiré à l’infini. La plénitude en bouche est invraisemblable et la complexité infinie elle aussi. La longueur est extrême. La salinité est une signature du domaine, mais ici exposée avec la justesse d’un stradivarius. En fermant les yeux, on comprend ce qui fait la magie de ce vin et une preuve supplémentaire en sera donnée par le vin qui suit, pourtant parmi les plus grands, mais qui montre un écart spectaculaire avec ce génie. Cette remarque ne diminue en rien la beauté du vin qui va suivre, mais confirme pourquoi Romanée Conti est cette légende vivante. Le perdreau n’a pas servi de tremplin au vin qui trônait seul au firmament.

Le Musigny Vieilles Vignes Comtes de Voguë 1988 est assurément un grand vin. Riche, tout en plaisir, il a une force de persuasion extrême. Beaucoup plus puissant que son prédécesseur, il est à l’aise avec les merveilleuses noisettes de chevreuil. Dans un autre repas, c’est lui qui serait la vedette.

Le Château Rieussec 1978 est bu à l’aveugle. Sa force, sa présence, son or profond sont particulièrement brillants. Il a une densité de trame et une intensité de fruit confit qui ravissent. Le stilton est trop affiné pour que le mariage soit consommé avec le beau sauternes.

Le Château Rieussec 1958 est délicieux et la mandarine le met en valeur de parfaite façon. Nous sommes aux anges avec ce subtil sauternes à la trace éternelle dans le palais.

Manuel nous offre maintenant un Porto Quinta do Noval Colheta 1968, de l’année qui manquait dans les séries de « 8 ». Ce porto est un véritable bonbon qui se déguste comme une mignardise qu’il accompagne parfaitement.

Luc a soufflé la bougie symbolique. Nous lui donnons nos cadeaux. Tiens, comme c’est curieux, nous offrons tous des vins ! La générosité de Luc est incroyable. Son choix de vins dans une poésie numérique est d’une subtilité que seule permet sa connaissance des vins. La cuisine fut splendide et délicate, dans la lignée de l’image de Taillevent. Le service chaleureux et amical ainsi que les commentaires éclairés de Manuel nous ont permis de vivre un de ces moments de gastronomie dont on se souvient toute une vie. Une Romanée Conti 1981  et la chaleureuse générosité de notre ami impriment à jamais leurs traces dans nos mémoires.

dîner au Taillevent – les photos des vins vendredi, 21 novembre 2008

Le vin sec de Chateau Gilette "G" 1958

Chablis Grand Cru "Clos" François Raveneau 1978

Montrachet Domaine Baron Thénard 1988

Chateau  Haut-Brion 1958, Chateau Ausone 1958, Romanée Conti 1981

Musigny Vieilles Vignes Domaine de Voguë 1988, Chateau Rieussec 1978 et 1958

Quinta do Noval 1968

Merveilleuse brochette de vins

Table joyeuse

dîner au Taillevent – photos des plats vendredi, 21 novembre 2008

amuse-bouche

carpaccio de coquilles Saint-Jacques marinées aux agrumes / épeautre du pays de Sault en risotto, cuisses de grenouilles dorées

homard et châtaignes cuisinés en cocotte lutée (avant ouverture et après)

le homard servi

noix de ris de veau braisée aux légumes d’automne (avant et après le service de sauce)

perdreau patte-grise rôti salsifis et girolles / noisettes de chevreuil dorées sauce poivrade

Luc souffle la bougie de ses 50 ans. On dirait un tableau de Georges de La Tour (j’ai doublé la bougie ici)

Grand tasting – première journée vendredi, 21 novembre 2008

Le Grand Tasting se tient au Carrousel du Louvre et c’est la onzième édition du successeur du Salon des Grands Vins. De nombreux vignerons tiennent stand et font déguster des vins de haut niveau, et des séances de présentation sont de quatre familles, les bars gourmets, les ateliers gourmets avec un piano de haut niveau pour créer des accords mets et vins élaborés, les Master Class et les Master Class de prestige. Les programmes sont plus alléchants les uns que les autres, et ma première matinée commence par une séance intitulée : « les cinq producteurs au sommet ». Nicolas de Rabaudy rappelle l’histoire de ces salons dont il fut l’un des pères fondateurs, et Michel Bettane, Thierry Desseauve ou l’un des membres de leur équipe animeront les dégustations. Pour celle-ci, c’est Michel et j’ai la chance de pouvoir figurer à la table des présentateurs, tout au long de ce salon.

Les cinq producteurs au sommet ont été choisis par Michel et Thierry. Le Château Ducru-Beaucaillou 2004 a un nez très doux, capiteux. En bouche, ce sont des fruits noirs très doux comme la quetsche qui apparaissent. Le final est de poivre et d’un bois très bien dessiné, qui indique un beau potentiel de vieillissement dans la rondeur. Michel Bettane vantant les méthodes de sélection des grains de raisin dit de ce vin que c’est du caviar qui est mis en barrique.

Le Nuits-Saint-Georges Clos de la Maréchale domaine Jacques Frédéric Mugnier 2005 est présenté par Frédéric Mugnier qui représente la cinquième génération des propriétaires de ce domaine dont le dernier achat de vignes date de 1902 et c’est du Clos de la Maréchale qu’il s’agit. C’est un grand honneur qui nous est fait de nous présenter un 2005. Le nez est discret mais extrêmement subtil. En bouche, le fruit rouge poivré est magnifique de joie et d’expansion, ce qui résulte aussi bien du travail qui est fait que de l’année qui est magique. La perfection est associée au millésime. Le fruit rouge est enthousiasmant. C’est un vin d’une rare subtilité.

La Syrah Leone, Domaine Peyre-Rose Coteaux du Languedoc 2002 est présentée en l’absence de Marlène Soria. Le nez est particulièrement subtil et fin. C’est une belle surprise. La bouche est ample, ronde, portée par des fruits bruns et un beau poivre. Ce qui frappe, c’est l’équilibre et l’absence d’excès. L’astringence finale montre un potentiel de vieillissement. Le vin est un peu torréfié, méditerranéen. Il est délicieux à boire.

Le Château Rayas, Chateauneuf-du-Pape 1998 est présenté par Emmanuel Reynaud, gérant du domaine que sa famille possède depuis 1880. La couleur est très claire. Le parfum est racé, évoquant le porto. La fraîcheur est ce qui frappe en premier. Il y a des fruits jaunes et de la cerise blanche. Le vin est très capiteux tout en étant léger, ne révélant pas du tout ses 14,5°. Très fluide, il se présente plus vieux que son année qui est une grande année. Ce vin n’est pas un Chateauneuf-du-Pape, c’est un Rayas.

Noël Pinguet présente le Vouvray Le Mont Demi-Sec domaine Huet 2002. Son domaine est en biodynamie depuis vingt ans. Il considère que c’est le demi-sec qui représente le mieux la qualité du Vouvray. Ce vin est magnifique. Sa fraîcheur est extrême. Le sucre est discret et le final à l’acidité citronnée est frais. Litchi, citron vert, mandarine s’exposent subtilement. La pureté et la fraîcheur de ce vin sont enthousiasmantes. Ces cinq vins méritaient d’être mis en valeur en début du Grand Tasting.

La séance suivante est la présentation par Véronique Drouhin de trois Chablis et d’un vin de l’Oregon de la maison Joseph Drouhin qui est aussi en biodynamie.

Le Chablis Premier Cru Vaillons Joseph Drouhin 2007 a un nez discret. La robe est d’un jaune d’or assez soutenu. Ce vin très pur manque un peu d’ampleur. Il a un beau final avec des agrumes légèrement poivrés. C’est un vin équilibré. Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2006  a un nez beaucoup plus puissant. Il montre une belle minéralité. La bouche est ample, équilibrée. Le final est un peu astringent mais très subtil. La longueur est significative et charmante. C’est un vin qui donne soif d’en reprendre.

Le Chablis Grand Cru les Clos Joseph Drouhin 2002  a un nez plus doux et moins minéral que le 2006. Son goût est plus doux et plus flatteur. Véronique remarque que sa palette aromatique est plus large en 2002, alors que je préfère le 2006, car le 2002, dans une phase intermédiaire de sa vie, s’est un peu civilisé. Il offre des évocations de noisettes et d’amandes, avec un beau final.

Le Pinot Noir d’Oregon Laurène Joseph Drouhin 2005 est une belle surprise. Il titre 13,5°. Son nez est hyperpuissant mais pur. Le vin est gourmand, bon à boire, joyeux. Il est très bien fait, léger et frais en bouche. Ce vin déjouerait toutes les supputations s’il était dégusté à l’aveugle. Ce fut une présentation originale de quelques vins de la gamme très étendue de la maison Drouhin.

C’est Sandrine Garbay, maître de chai du château d’Yquem qui présente une verticale de Château d’Yquem. La salle de cette Master Class de prestige offrait 80 sièges. Il fallut à la hâte en rajouter vingt pour contenir une foule avide de déguster ce vin légendaire.

Le Château d’Yquem 2005 a un gras énorme. Il ressemble un peu à des pastilles acidulées qui chavirent le palais, tant on est confondu par la balance entre le sucré et la fraîcheur. On sent la perfection formelle de ce vin. Il y a du miel, du citron, des agrumes. Le fruit confit viendra plus tard et le sucre se dominera dans le goût riche de ce vin prometteur.

Le Château d’Yquem 1999 a un jaune déjà très doré. Le nez est intense, et la bouche est élégante. Ce vin se goûte bien. Le final est sucré, pâte de fruit. Son élevage a été de quarante mois, alors que depuis l’arrivée de Pierre Lurton au domaine, donc pour le millésime 2005 que nous venons de goûter, l’élevage a été réduit de dix mois. Ce 1999 est le meilleur de ceux que j’aie goûtés, ce qui montre le progrès au fil du temps.

Le Château d’Yquem 1996 a un  nez généreux. L’attaque est puissante et très équilibrée. Comme dit Sandrine, c’est un millésime académique pour le développement de son botrytis. Ce vin fait de mangues, de fruits confits et poivrés et d’oranges, au final très frais, est un archétype de l’Yquem historique. Sa fraîcheur est extrême.

Le Château d’Yquem 1989 a un or déjà foncé. Il est affirmé, très joli. C’est le seul qui montre des notes de thé, indice de la fusion du sucre dans le goût. La fraîcheur est extrême et l’amertume est belle. C’est le 1989 qui est le plus frais des quatre présentés. Nous avons animé le débat avec Sandrine sur les mets qui s’allient à Yquem en montrant de petites divergences comme j’avais pu le faire avec Alexandre de Lur Saluces lors de la récente présentation de Fargues. Ce qui compte au final, c’est la générosité du château d’Yquem et la possibilité qui a été donnée aux inscrits de boire quatre vins de légende.

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Le Château Bahans Haut-Brion 2000 est le second vin de Haut-Brion. Il ne provient pas de parcelles différentes de celles du grand vin mais d’une sélection par la dégustation. Le nez est assez amer. Le vin est servi trop froid. L’amertume est forte au goût ainsi que l’astringence.

Le Château Haut-Brion rouge 1998 est un vin très élégant qui montre un saut qualitatif majeur. Il y a des fruits noirs et des notes mentholées. Il est magnifiquement fait, frais en final. C’est un vin très subtil.

Le Château Haut-Brion rouge 1995 qui nous est servi est bouchonné. Le deuxième est plus chaleureux mais il a une astringence qu’il ne devrait pas avoir. Il ne peut pas être jugé.

Jean-Philippe Delmas présente l’histoire du Château Haut-Brion, le plus ancien cru classé de Bordeaux, car il s’est appelé « cru » dès 1525. Jean-Philippe fait le vin pour la famille Dillon, à la suite de son père qui avait fait les vins depuis 1961.

Angelo Gaja devait présenter ses vins en même temps que Philippe Guigal présente les siens, mais il n’est pas venu. Philippe raconte l’histoire de La Côte Rôtie La Turque. Cette parcelle d’un hectare était la propriété d’un homme qui n’avait qu’un seul client : l’Elysée. Après de sombres histoires ce vignoble fut vendu à Vidal-Fleury où travaillait le grand-père de Philippe. Quand celui-ci, après avoir fondé la maison Guigal en 1946 racheta Vidal-Fleury, il inclut La Turque dans sa gamme. Cette terre de la « Côte Brune » n’a pas produit de vins pendant cinquante ans, aussi trouve-t-on des Turque d’avant 1935 ou depuis 1985, les vignes ayant été replantées vers 1980.

La Côte Rôtie La Turque 2004 a un nez poivré. Ce vin est poivre et fruit noir. Ce qui le caractérise, c’est une fraîcheur extrême. Le final est de mûre et de cassis. C’est un grand vin.

La Côte Rôtie La Turque 1998 a un nez de framboise, de fruit rose et de pâte de fruit. Son goût est joli, fruité, de fruits rouges ou roses comme les framboises. Le final est assez astringent et la fraîcheur est extrême.

Les vins d’Angelo Gala sont des Barolos, mais comme ils n’ont pas 100% de cépage nebbiolo, ils n’ont pas le droit à l’appellation. Angelo a découvert que l’ajoute de 5 à 10% de barbera profitait à son vin. Se souciant comme d’une guigne des obligations, il a fait le vin que nous dégustons, baptisé Sperss, qui veut dire nostalgie.

Le Sperss Gaja 2004 a un nez d’une race étourdissante. Très doucereux en bouche, doux, il est d’une belle astringence. Noble et généreux, il a des points communs avec le Guigal de la même année. Le vin est ample, coloré, complexe dans ses teints veloutés. Il appelle la truffe blanche dont il évoque le goût. Michel précise que 2004 est un millésime exceptionnel dans le Piémont, comme l’est 2005 en France. Le fumé de truffe est charmant.

Le Sperss Gaja 1996 a une couleur très noire et un parfum très profond. La rondeur est immédiate et l’astringence est forte. Michel parle de cèdre et de tabac. Grand, puissant et rond c’est un vin très fort, différent et distant de La Turque 1998. Ce vin qui évoque encore plus la truffe blanche est un vin impressionnant. Il se trouve que Gaja et Guigal présentent souvent leurs vins ensemble par amitié et aussi pour partager les frais de ces expositions. Ils nous ont offert quatre vins d’un immense plaisir.

Idealwine a retenu une centaine de leurs principaux clients ou correspondants et Angélique de Lencquesaing m’a fait le plaisir de m’inviter. Les vins présentés sont spectaculaires, mais pensant au dîner qui m’attend je ne goûte qu’un champagne William Deutz 1998 fort bon et bien structuré. Je salue des amis présents et m’éclipse vite pour me rendre au dîner de jubilé d’un ami.

un beau bistrot : La Marlotte jeudi, 20 novembre 2008

Ma sœur invite ses deux frères au restaurant La Marlotte rue du Cherche-Midi. La décoration est résolument bistrot, avec un grand nombre d’ardoises écrites à la main accrochées aux murs. Mon œil est attiré par un titre : lièvre à la royale, selon la recette du sénateur Couteaux. Un bistrot qui affiche un tel plat ne peut pas être mauvais. J’entraîne mon frère dans cette folie, car c’en est une, quand je sais le programme qui m’attend pour les deux jours à venir, le Grand Tasting et un dîner d’amateurs de vins. Mais la gourmandise est trop forte et elle est récompensée. Les poireaux à l’entrée sont de vrais poireaux, sauvages en goût, et le lièvre est joliment exécuté, sans lourdeur, avec des salsifis qui se rappelleront longtemps à ma mémoire. Une Côte Rôtie Jean-Michel Gérin 2006 d’un beau fruité et joyeux même dans sa folle jeunesse est absolument adaptée au lièvre royal. Le dessert recommandé, une glace vanille aux raisins secs et rhum, oblige à ouvrir d’un cran la ceinture. Ce bistrot plaisant et jeune d’ambiance invite assurément à y revenir.

 

déjeuner de conscrits avec un beau saint-émilion mercredi, 19 novembre 2008

Le déjeuner périodique avec mes amis conscrits se tient au restaurant de l’Automobile Club de France. Au bar, le champagne Laurent-Perrier brut est agréable et rafraîchit bien nos palais. Le Pomerol Croix-Saint-Georges 1995 a une amertume u peu excessive. Par contraste, il met en valeur un Château Fonplégade Saint-Emilion en magnum 1990. L’année a un recul plus important, le vin s’est arrondi et le haddock aux lentilles, par son sel et par opposition, rend le vin doucereux. Il est délicieux. Un contrefilet met ce beau vin en valeur. Les plaisanteries fusent entre « gamins » de nos âges.

dîner de l’Académie de France au restaurant Laurent mardi, 18 novembre 2008

L’académie du Vin de France, fondée en 1933 par Curnonsky fête son 75ème anniversaire à son siège social, le restaurant Laurent. Cette académie est à l’origine de l’I.N.A.O. fondée en 1935. Yves Bénard, président de l’I.N.A.O. et son épouse sont présents à cette manifestation. L’après-midi fut studieuse et se termina par un exposé d’Erik Orsenna sur un sujet étrange pour l’académie : « l’eau », sujet d’un livre important de l’orateur. A vingt heures, les amis de l’académie, dont je fais partie, rejoignent les académiciens et leurs épouses pour l’apéritif. Contrairement aux années précédentes, on ne déguste pas le millésime récent des académiciens. Est-ce la rigueur des temps ou celle des agendas, cette phase très instructive est gommée. Sur des vins divers de quelques régions nous bavardons et trinquons. Une fois de plus Bernard Pivot me fait part de son étonnement admiratif pour la passion qui transpire dans mes écrits. On peut comprendre que son soutien me fasse plaisir. Les discussions sont chaleureuses avec beaucoup de vignerons que j’apprécie.

Nous passons à table. Je suis à la table du président de l’académie, Jean-Pierre Perrin, assis à la droite d’Aubert de Villaine qui voisine avec Jonathan Nossiter, côte-à-côte avec son artiste vedette de « Mondovino », Hubert de Montille. Notre table compte aussi Yves Bénard, un vigneron italien qui fait des Barolos et Barbarescos, Jean-Marc Roulot et les épouses de plusieurs convives de cette table. Je rappelle à Jonathan que nous étions vus à la première présentation de Mondovino en France, sous l’égide de la Revue du Vin de France, et il en a un souvenir amer, croyant encore qu’on avait voulu le priver de la faculté de répondre aux propos des participants alors que je pense encore qu’il s’agissait d’une simple erreur matérielle. La douleur est toujours vive, mais le Nossiter avec lequel nous parlons ce soir est serein, calme et pondéré. Le voir au sein de ce qu’on pourrait considérer comme un lobby des puissants est assez étrange. Son ouverture d’esprit est beaucoup plus grande que ce que son film partisan laisse entrevoir.

Le président Jean-Pierre Perrin fait toujours des discours forts et pleins de sens. Une phrase qu’Aubert et moi notons à la volée nous laisse tous les deux cois : « les valeurs qui font progresser l’humanité ne sont pas les mêmes que celles qui la font durer ». Voilà un sujet d’examen ou de concours qui pourrait donner lieu à de nombreux développements. Yves Bénard prononce quelques mots pour préciser les liens entre les deux organisations. Périco Légasse dont le franc parler est légendaire dira en aparté en fin de repas qu’il aimerait que l’académie monte plus au combat dans des temps où le vin est attaqué.

Voici le menu préparé par le restaurant Laurent : palette de légumes raves relevés d’huiles aromatiques et épicées / noix de Saint-Jacques légèrement blondies servies dans un consommé clair, pleurotes et borage / épaule d’agneau confite, légumes aux épices d’un tajine, côtes grillotées / saint-nectaire / mille-feuille à la mangue et au piment d’Espelette. Je ferai compliment de ce repas remarquable.

Le premier vin est fourni par un nouveau membre de l’académie, un Côtes de Provence Château La Tour de l’Evêque blanc 2007 de Régine Sumeire. Aubert de Villaine aime sa précision. Très jeune, citronné, il a les variations chromatiques des arômes de sa région et la palette kaléidoscopique des légumes lui fait pianoter ses saveurs. Un peu puissant pour moi, il est un bel exemple des vins de sa région. Les légumes souterrains sont délicieux et subtils.

Le Meursault « Les Tessons-Clos de mon plaisir » 2004 de Jean-Marc Roulot laisse exploser un parfum d’une envahissante présence. Ce nez est minéral et très meursault. En bouche, le vin est d’une précision chirurgicale. Il a de la force de l’acidité, un final puissant mais assez ramassé et des allusions de poivre. C’est surtout sur le consommé que je le sens vibrer.

Le Crozes-Hermitage Alain Graillot 2001 est aussi trop jeune pour exprimer tout son talent, comme les vins précédents, mais peut-être est-ce mon palais qui est aujourd’hui plus sensible à ce qu’ils pourraient être dans un futur qu’il faudrait leur laisser. Mon voisin italien trouve un côté graphité à ce vin plaisant mais un peu grillé. Ce qui est merveilleux, c’est que le plat le dope, et ce sont surtout les à-côtés délicieux et subtils qui entourent l’agneau qui l’émoustillent et le rendent vibrant.

Le nez du Château Montrose 1998 est d’une grande race et d’une rare subtilité. Aubert de Villaine a du mal à entrer dans ce monde bordelais car il est rare de finir les rouges par un bordeaux. J’aime sa trame très fine de vin très jeune. Il mange les gencives tant il est jeune ! Le saint-nectaire est délicieux, mais je remarque une infime saponification qui apparaît du fait du mariage du fromage et du vin. L’astringence de ce Montrose réussi est intelligente.

J’aurais dû faire breveter l’usage des mangues avec Yquem, car c’est un accord quasi obsessionnel dont mes amis moquent mon insistance. Le Château d’Yquem 1996 est servi à une température absolument idéale qui rend le vin frais malgré sa sucrosité. Ce n’est pas le plus inventif des Yquem mais il brille ce soir au-delà de ce que j’aurais imaginé.

Suivant la tradition, Jacques Puisais donne ses impressions sur ce dîner qu’il compare à une pièce de théâtre qu’on ne revivra plus jamais. Il dit des vins que nous écoutons leurs derniers cris, pour montrer que le destin d’une bouteille s’arrête dès lors qu’elle est bue. Avec son lyrisme inénarrable et truculent il décrit chaque plat et chaque vin avec une poésie bachique, érotique et gourmande. Du repas en cinq étapes, la première scène est la fraîcheur, la deuxième la volupté, la troisième « le bienheureux », la quatrième n’est pas nommée mais elle évoque les trois ferments, vin, pain et fromage et la scène finale avec l’Yquem est la ronde qui reçoit les bontés du monde.

Sans vouloir imiter cette éloquence brillante et débridée je dirais que ce soir la vedette aura été aux plats. Alain Pégouret a traité les légumes avec une fraîcheur d’esprit rare. La chair de l’agneau est magique et toutes les cuissons ont été d’une précision exemplaire.

Les discussions se poursuivirent longtemps. Comme chaque année nous renouvelons des promesses de rencontres, tant avec Jacques Puisais qui veut me faire découvrir des vins de Chinon que je ne connaîtrais pas qu’avec Périco Légasse avec lequel je dois partager des flacons rares qu’il a gardés sous son aile.

 L’originalité fut de pourvoir discuter avec Jonathan Nossiter. La satisfaction fut de pouvoir échanger avec des vignerons que j’estime. Ce fut un très beau dîner de l’académie du vin de France en un endroit voué à la gastronomie.

Académie du Vin de France – les photos mardi, 18 novembre 2008

Belles décorations florales du restaurant Laurent

Les vins du dîner de l’académie

Chateau La Tour de l’Evêque Côtes de Provence 2007 et Meursault Les Tessons, Clos de Mon Plaisir Domaine Roulot 2004

Crozes-Hermitage Alain Graillot 2001 et Chateau Montrose 1998

Chateau d’Yquem 1996

merveilleuse entrée de légumes

a

dessert à la mangue

ambiance complice et cuisine de talent aux Crayères samedi, 15 novembre 2008

L’étape Roellinger était offerte par les enfants. La réciproque se passe au restaurant de l’hôtel Les Crayères. Nous arrivons à Reims devant cette bâtisse cossue et la réception est accueillante. C’est toujours un plaisir quand on est reconnu. Au bar, Philippe Jamesse, sommelier de grand talent, m’apporte la carte des vins et fait une proposition en connaissant mes goûts : champagne Pol Roger Chardonnay 1985. L’idée me séduit. Philippe rejette la première bouteille qu’il juge bouchonnée. Nous demandons de vérifier et il faut avouer que ce n’est pas évident. Je n’aurais pas rejeté cette bouteille, mais la deuxième bouteille démontre la justesse du diagnostic de Philippe. Les petites préparations pour l’apéritif sont délicieuses et ouvrent l’appétit. Les beignets de homard que l’on trempe dans une lourde sauce sont divins. Didier Elena vient nous saluer et je lui demande les produits les plus intéressants parmi ses arrivages. Nous composons avec lui le menu. Prendre deux jours de suite un lièvre à la royale est une folie, mais la description de Didier est trop tentante pour que je résiste.

Le Pol Roger est très original. On sent le miel, l’épi de blé, et surtout un charme rare, inhabituel. Le belle bulle est active, le champagne ne paraissant pas son âge. Alors qu’il est généreux, ce qui étonne, c’est que sa longueur est assez faible. Il est très subtil et très rassurant. C’est un grand champagne.

Nous passons à table et la galette au lard, la flammekueche est merveilleuse. Mille petites lampes de mon enfance allument des souvenirs de bonheur. Le champagne se plait avec elle. Une huître au caviar d’Aquitaine crée un accord stellaire avec le champagne qui devient infiniment délicat. Le sympathique maître d’hôtel nous montre sur l’assiette une allusion d’actualité : une rose effeuillée symbolise les travaux ardus du congrès de Reims du Parti Socialiste qui s’étripe au même moment.

La coquille Saint-Jacques au foie gras au poivre est un plat génial. Le Riesling Clos Sainte-Hune Trimbach 1997 est la perfection absolue du riesling. De belle acidité, avec un beau citron, ce vin est d’une grâce extrême. Il scintille en bouche comme ces mini feux d’artifice plantés dans les gâteaux d’anniversaire. La purée à la truffe est divine et rend le vin poivré. Ce vin est du génie et donne l’impression d’une totale perfection. Je le préfère au 1996 bu chez Roellinger.

Je voulais absolument goûter la caille fourrée au foie gras avec une crème au chou de Bruxelles. La chair est fondante. Philippe nous apporte un verre de vin pour ce plat qui est une véritable énigme. L’opposition de la sauce avec ce blanc est absolument géniale. On sent de la pomme et du coing. Le vin est doucereux et subtil. Il est même suave. Nous sommes bien embarrassés pour deviner, mais je commence à m’orienter vers le Rhône. Et c’est effectivement un Château de Beaucastel, Chateauneuf-du-Pape blanc 2003. Le choix de Philippe est particulièrement judicieux, parce que ce vin très féminin, subtil, en demi-teinte et troublant forme un accord parfait avec la chair et surtout la sauce. Je ne suis généralement pas un grand fan des accords de sommeliers, mais je dois reconnaître que celui-ci est délicat. Quand l’assiette est enlevée, le vin retrouve de la virilité et du poivre, phénomène extrêmement classique car un vin qui a vibré avec un plat se sent plus seul, tout autre, quand le plat a disparu.

Le nez du Richebourg Méo-Camuzet 2000 est d’une opulence rare. Je trouve qu’il est amplifié par la forme du verre et Philippe nous dit qu’il a dessiné la forme des verres de notre table. Ils sont particulièrement judicieux. Le nez d’une opulence rare me fait penser au tableau Les Ménines de Velasquez, l’un des plus troublants de la peinture revisité dans un délire fou – comme ce nez – par Picasso.

Le lièvre à la royale est fondamentalement différent de celui de Gérard Besson dégusté hier. Ici, il s’agit de plusieurs préparations subtiles qui traitent le lièvre en gibier. Le chou farci est très original, surprenant, mais son apport est essentiel à l’équilibre du plat. Le Richebourg se présente avec force, chaleur, puissance, et un beau poivre. L’étendue de sa palette de saveurs est remarquable. Le Clos Sainte-Hune ne va pas du tout avec le lièvre, alors que le Richebourg est absolument divin. Il est cyclopéen avec le lièvre. Le plus spectaculaire est la longueur exceptionnelle du Richebourg, et le final triomphant. Ce vin est l’opposé du Pol Roger qui délivrait son message instantanément, alors que le Richebourg tonitrue en final. Il a du poivre, des fruits rouges et son fruité est rare. Il est très au dessus de ce que j’attendais d’un 2000.

Nous essayons plusieurs fromages à la fois sur le Sainte-Hune et sur le Richebourg, ce qui m’agace, mais me fait plaisir aussi, c’est que les choix du sommelier sont meilleurs que les miens.

Le chariot des mignardises achève l’overdose calorique de ce magnifique repas.

Chaque expérience nouvelle de la cuisine de Didier Elena est plus convaincante. Nous avons eu ici une prestation d’un niveau très élevé. Il faut dire que nous sommes choyés. Mais la démonstration est claire. Il aurait fallu enregistrer les propos que nous avons échangés avec Philippe Jamesse. Car il a brillé par une compétence rare et subtile, tout en sachant rester d’une discrétion savamment mesurée. Je crois que je n’ai que rarement rencontré une assistance de sommelier aussi pertinente et dosée. Il a réalisé l’idéal du rôle du sommelier. Notre déjeuner de très haute qualité s’est passé dans une ambiance de complicité qui ajoute indéniablement au plaisir.