dîner wine-dinners du 19 février – vins – photos jeudi, 19 février 2009

Champagne Dom Pérignon Œnothèque en magnum 1990 (photo des deux champagnes sur fond d’ardoise)

Vouvray sec Caves Prunier 1959

Chassagne Montrachet Moillard Grivot (Tasteviné en 1951) 1947

Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962 (en sécurité)

Château Pontet Grand Cru Saint-Emilion 1955

Château Tertre Daugay Saint-Emilion 1955 (en sécurité)

Cos Labory Saint-Estèphe 1928

Moulin à Vent Chanson Père et Fils 1945

Romanée Saint-Vivant Marey-Monge Domaine de la Romanée Conti 1983

Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969

Château d’Yquem 1966

dîner à l’Astrance – les photos jeudi, 19 février 2009

Tous les vins du dîner

autres photos de groupe

Le bouchon de La Tâche 1983 et celui brisé de l’Yquem 1966.

Le bouchon du Moulin à Vent voisin de celui en charpie du Vouvray

La totalité des bouchons

Il y a un contraste entre les teintes bonbon acidulé de la table et les teintes pastel de cette jolie décoration florale

Brioche tiède, beurre à la truffe noire, copeaux de poire

Cappuccino de champignons, fondue de parmesan

Coquille Saint Jacques dorée, poudre de cèpe et pomme

foie gras en dés que j’ai fait ajouter pour le Vouvray

Sole meunière, épinard et pâte de citron jaune, noisette grillée

jeunesse de couleur des bordeaux

Agneau grillé, aubergine laquée au miso, jus de cuisson

Pigeon cuit au sautoir, fondue d’oignon très légèrement épicée

Fricassée d’abat de canard

dessert meringué au thé vert fait par surprise par Pascal Barbot

Mangue caramélisée et madeleines

Je n’ai pas eu le réflexe de photographier tout de suite tous les verres. Certains sont déjà partis

La Tour Eiffel, sans doute contente de voir que l’on a honoré la réputation gastronomique de Paris, me fait un gentil clin d’oeil.

112ème dîner de wine-dinners au restaurant Astrance jeudi, 19 février 2009

Le 112ème dîner de wine-dinners se tient au restaurant Astrance. J’arrive un peu avant 17 heures pour ouvrir les bouteilles. Il faudrait que je m’applique à noter plus de détails sur cette opération cruciale. Pour m’échauffer, car la qualité superbe des bouchons devrait me faire démarrer par une ouverture facile, je choisis en premier l’Yquem 1966. Mais, oh surprise, le bouchon s’émiette en mille morceaux, ce qui est étonnant. L’odeur du vin est sensuelle et explose de mangue. C’est un modèle absolu de la perfection du parfum d’Yquem. J’ouvre ensuite La Tâche 1983. Avec autant d’imprévu que dans un film de John Wayne, le haut du bouchon sent une fois de plus avec une forte intensité la terre de la cave du domaine de la Romanée Conti. Le bouchon est superbe, sain, de grande qualité. Le nez du vin a l’émotion des vins du Domaine. La capsule du Pontet 1955 est plusieurs fois trouée et quand je l’enlève je constate que le bouchon a baissé d’un bon centimètre. Comment ne pas l’enfoncer dans le vin ? Archimède disait : « donnez-moi un point d’appui et je soulèverai le monde ». Il me fallait pouvoir piquer dans le bouchon sans le pousser. J’y suis arrivé. Le bouchon est un peu sec sur la partie supérieure et bien souple sur le reste. Le niveau est à mi-épaule. L’odeur est saine. Le bouchon du Cos Labory est de la charpie. L’odeur est saine, aussi n’ai-je pas besoin d’ouvrir le bordeaux de réserve. Le bouchon du Moulin à Vent 1945 est une petite merveille. Parfaitement sain et souple il est venu en une fois, entier. J’admire sa qualité. Il pourrait être une leçon pour des appellations plus prestigieuses.

Le Vouvray sec 1959 a de la cire, cassée sur le dessus par un croisillon métallique comme on en trouve pour les pétillants. Mais ce croisillon n’a pas pour mission de retenir le bouchon. C’est de la décoration. Le bouchon se brise en mille morceaux et montre sa texture particulièrement déplorable. Le Chassagne-Montrachet 1947 et le Chablis 1962 ont des bouchons conformes à ce que je pouvais attendre. Le Chablis a été ajouté car les couleurs des deux autres blancs suggèrent une forte madérisation. Son odeur est engageante.

La taille maximale d’une table étant de huit, nous sommes huit, dont trois vignerons, l’un de champagne, un autre de Bordeaux et le troisième de Bourgogne. Il n’est pas prévu que l’on boive les vins des vignerons sauf pour les champagnes, car il est difficile de faire boire à un champenois autre chose que son enfant. Nous sommes entre hommes, la table étant complétée par des habitués amateurs de vins anciens.

Le menu de Pascal Barbot est fondé sur les produits du moment : Brioche tiède, beurre à la truffe noire, copeaux de poire / Cappuccino de champignons, fondue de parmesan / Coquille Saint Jacques dorée, poudre de cèpe et pomme / Sole meunière, épinard et pâte de citron jaune, noisette grillée / Agneau grillé, aubergine laquée au miso, jus de cuisson / Pigeon cuit au sautoir, fondue d’oignon très légèrement épicée / Fricassée d’abat de canard / Mangue caramélisée et madeleines.

Le Champagne Dom Pérignon Œnothèque en magnum 1990 se présente dans un flacon d’une rare élégance. Le nez du premier versement est extrêmement minéral. Le vin est d’une grande personnalité. Comme nous le découvrons sans nourriture, nous sentons le besoin de manger, car le champagne brillera. Et la brioche à la truffe propulse le champagne au firmament. Il devient opulent, assis, sans puissance excessive, avec le frémissement romantique de la bulle propre à Dom Pérignon. Les petits copeaux de poire excitent son caractère de fruit blanc. Le champagne change complètement de personnalité sur l’émulsion de champignons, gagnant en rectitude et en synthèse. Et quand le parmesan de fond de plat prend le pouvoir, il estompe le champignon, donnant un troisième aspect à ce grand champagne sans une once d’acidité et à la puissance mesurée.

Lorsque j’avais choisi les vins de ce dîner, je les avais rangés dans une case qui leur est affectée. C’est au moment de prendre les photos des bouteilles que je me suis rendu compte des couleurs très foncées des deux blancs secs prévus. Aussi ai-je ajouté un chablis. Ne sachant pas ce qui se passera, les trois blancs sont servis ensemble.

Le Vouvray sec Caves Prunier 1959 est très ambré. Son goût est plus qu’acceptable et les deux plats vont le mettre en valeur. C’est un vin déroutant, car ce type de goût avancé est relativement peu habituel, mais le vin se comporte bien, se montrant un compagnon des deux plats qui suscite notre intérêt.

Avec le Chassagne Montrachet Moillard Grivot 1947 (Tasteviné en 1951) lui aussi fort ambré, on sait que l’on a quitté la planète de Chassagne-Montrachet. Le vin n’est plus dans sa définition théorique, c’est un objet vineux différent. Il s’améliore dans le verre au point d’être aisément buvable, mais n’a pas beaucoup plus d’attrait que celui de la curiosité.

Par contraste, le Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962 apparaît d’autant plus jeune. Sa belle couleur est d’un jaune vert, plein de jeunesse et son goût est chatoyant et multiforme avec un joli final citronné. L’un des convives dit qu’il a la force des vins de la région de Chassagne-Montrachet.

J’avais demandé à Pascal Barbot d’introduire les deux vins ambrés avec des petits dés de foie gras, pour atténuer un éventuel gout de madère. Ce petit viatique vient en fait entre les deux plats de poissons, mais c’est une pause agréable et justifiée, le Vouvray réagissant merveilleusement sur le foie gras délicieux.

Les deux plats de poisson mettent en valeur chacun des vins avec au moins l’une de leurs composantes, la poudre de cèpe et pomme s’alliant au Vouvray et au Chassagne pendant que la coquille fait de l’œil au chablis. La sole plaît aux trois vins, la petite pâte de citron jaune, signature de Pascal Barbot réussissant au Vouvray.

Sur l’agneau, les deux bordeaux sont servis ensemble et ce qui frappe immédiatement c’est la jeunesse de leurs couleurs. C’est assez spectaculaire. Le sang de pigeon, le rouge bien prononcé sans la moindre trace d’orangé caractérisent ces deux vins. Le Château Pontet Grand Cru Saint-Emilion 1955 est très saint-émilion. D’une année en pleine possession de ses moyens, il bénéficie du support de l’agneau pour se présenter avec charme.

Le Cos Labory Saint-Estèphe 1928 est beaucoup plus charpenté et structuré, même s’il est un peu rigide. Epanoui comme un 1928 sans trace de fatigue, il ravit l’ensemble de la table, y compris le vigneron bordelais qui le classera premier dans son vote. J’ai apprécié un peu moins que d’autres l’aubergine au miso, un peu pâle face aux vins.

Alexandre, sommelier de talent, devait servir les deux vins qui accompagnent le pigeon avec quelques minutes d’écart, pour qu’ils ne se nuisent pas. Pour des questions d’organisation Alexandre n’a pas décalé les deux services, ce qui, comme je le craignais, ne fut pas à l’avantage du Moulin à Vent Chanson Père et Fils 1945. Ce beaujolais est un grand vin, à la belle structure généreuse et agréable à boire. Mais il ne peut rien faire quand on le met à côté de La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983. L’année 1983 n’est pas considérée comme une année de réussite au Domaine de la Romanée Conti. Mais cet exemplaire que nous buvons fera mentir les archives. Car ce vin est absolument divin. Richard Geoffroy crie presque : « mais c’est de la rose », car l’évocation de pétales de rose est particulièrement affirmée, ainsi que la salinité excitante des vins du domaine. Le pigeon est magique de tendreté et le vin de Bourgogne s’épanouit sans contrainte, avec une longueur qui pianote sur la langue. C’est un grand moment.

Pour faire plaisir à Richard Geoffroy, j’ai demandé à Pascal Barbot de créer pour le Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969 un accord de confrontation. Il fallait que ça boxe dans les papilles. Et les abats de canard ont répondu présents, pour croiser les gants avec le splendide champagne de 1969, d’une personnalité affirmée et d’une trace profonde. C’est un immense champagne à l’acidité plus marquée que celle du 1990.

L’association mangue et sauternes commence à me coller aux basques. Car quand j’évoque les liquoreux, on sait que j’aime les associer aux mangues. Le Château d’Yquem 1966, à l’ouverture, avait ce parfum intense de mangue. Et voici qu’au moment où on nous le sert, il semble avoir perdu de son sucre au profit de suggestions de thé. Il dément donc l’odeur initiale. Et le dessert meringué au thé vert fait par surprise par Pascal Barbot donne un coup de poing à l’association mangues et Yquem, qui paraît plus fade et plus convenue. L’Yquem est grand, et j’adore cette forme d’expression où le thé corrige le doucereux.

Il est temps de voter. Nous sommes huit pour dix vins dont un magnum. Assez logiquement deux vins n’ont pas de vote, du fait de leurs voisinages, le Chassagne-Montrachet et le Moulin à Vent, ce dernier n’ayant démérité d’aucune façon. La Tâche reçoit huit votes, ce qui est un carton plein et un joli score pour une année supposée petite. Cinq vins ont le privilège d’être nommés premiers : La Tâche, le Dom Pérignon 1969 et le Cos Labory deux fois chacun et le Vouvray (mais oui) et l’Yquem chacun une fois.

Le vote du consensus serait : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Cos Labory Saint-Estèphe 1928, quasi ex-æquo avec Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969, 4 – Vouvray sec Caves Prunier 1959.

Mon vote : 1 – La Tâche Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Château d’Yquem 1966, 3 – Champagne Dom Pérignon Œnothèque 1969, 4 – Chablis 1er Cru Fourchaume Joseph Drouhin 1962.

Pascal Barbot est venu nous rejoindre en fin de service pour discuter des accords. Sa sensibilité est extrême, sa bonne humeur, son sourire joyeux me ravissent. En m’amusant je lui ai dit que sa crème meringuée au thé gagnait par KO sur la mangue, et je l’ai chaudement félicité. Les dés de foie gras que j’avais fait ajouter se justifiaient. Pascal nous a dit que le menu servi à chaque table avait été personnalisé, les plats de notre table n’ayant été créés que pour nous. J’ai pour la cuisine de ce chef une immense affinité. Les saveurs exprimées avec justesse et simplicité sont idéales pour les vins. Ce fut du grand art.

Les vins de ce soir étaient de niveaux très différents, de petites appellations ou de petits crus voisinant avec de plus grands. Dans une ambiance joyeuse, animée et amicale, nous avons passé un grand moment de découverte gastronomique et vineuse.

François Simon raconte notre dîner au restaurant Villaret mercredi, 18 février 2009

Dans le Figaro quotidien "Et vous" du samedi 14 février 2009, François Simon raconte notre dîner au restaurant Villaret (voir ci-dessous mon compte-rendu à la date du 10 février).

C’est sous le titre "Tête de Turque", qui fait référence au vin que nous avons bu.

L’article peut être lu ici : articleFSimon090214a.pdf

L’article est sur le blog de François Simon à la date du 18/02, l’un des plus passionnants de tous les blogs sur la gastronomie.

blog

http://francoissimon.typepad.fr/simonsays/

prise par F Simon

Photo prise par François Simon et mise sur son blog. Le titre de son billet sur le blog : "les vieux millésimes le rendent marteau".

Dans le même journal, il disserte sur le Guide Michelin sous le titre : "Le Michelin est-il cuit ?". C’est un des sujets sur lequel François et moi ne sommes pas d’accord, tout en respectant l’avis de l’autre.

dîner à la maison – les photos mardi, 17 février 2009

Champagne Pommery Brut Royal d’une vingtaine d’années

Champagne Laurent Perrier Grand Siècle d’une trentaine d’années

Château d’Epiré Savennières 1993 (déception) et Criots Bâtard Montrachet Olivier Leflaive 1992

Hermitage Chave 2000 et Côte Rôtie La Landonne Guigal 1997

groupe des vins hors champagnes, et Maury La Coume du Roy 1925

alors que je suggère de ne pas carafer, je pratique le : "faites ce que je dis, mais pas ce que je fais"

Chave et Guigal à l’honneur mardi, 17 février 2009

Nous recevons des amis dans notre maison de banlieue. Face à la cheminée où le feu crépite, l’apéritif se prend sur des gougères et un jambon Pata Negra. Le Champagne Pommery Brut Royal de plus de 20 ans ne fait pas pschitt à l’ouverture. Sa bulle est rare mais le pétillant est intact. D’une palette aromatique très large, il nous séduit par la richesse de ses évocations chaudes et sensuelles. Quand j’ouvre le Champagne Laurent Perrier Grand Siècle de plus de vingt ans, la dernière rondelle de liège reste dans le goulot. Elle est extirpée au tirebouchon, sans ressentir de pression de l’air enfermé. Comme son prédécesseur, ce champagne a peu de bulle mais un joli pétillement. Un ami dit qu’il est madérisé, terme que je n’aime pas trop, mais il convient de dire que le Pommery est resté plus champagne que le Grand Siècle, qui a évolué vers des notes de fruits roses et rouges. Deux amis préfèrent le Grand Siècle et nous sommes trois à préférer le Pommery. L’intérêt de ces champagnes anciens est d’ouvrir des horizons gustatifs nouveaux, pleins de charme.

Nous passons à table où nous attend une émulsion de mogettes où surnagent des lobes entiers de foie gras. J’avais envie d’essayer un Château d’Epiré, Savennières 1993 mais à l’ouverture, ce vin d’Anjou m’avait rebuté par un nez poussiéreux. Quand je le sers, ce vin est buvable mais sans intérêt. A l’inverse, le Criots-Bâtard-Montrachet domaine Olivier Leflaive 1992 est une petite merveille. Sa fraîcheur citronnée est extrême et ses variations chromatiques sont captivantes. C’est un très bel exemple d’une année remarquable pour les vins blancs de Bourgogne. Le mariage se fait aussi bien avec la crème de mogettes qu’avec le foie gras.

Tous mes vins sont servis en carafe, car je sais qu’un ami adore trouver. Il s’en sortira de façon très honorable. Le plat est un pot-au-feu de canard au chou. Le canard est légèrement miellé. La tendresse de la chair est celle d’une cuisse de nymphe émue dont elle aurait presque la couleur. L’Hermitage rouge Jean-Louis Chave 2000 est d’une finesse invraisemblable. Je pense n’avoir jamais autant ressenti la délicatesse raffinée de ce grand vin. Tout en lui est subtil, ce qui est étonnant pour ce puissant vin du Rhône.

Le vin rouge qui suit surprend par son extrême différence avec le précédent. La couleur du Chave est sang de pigeon alors que celle de la Côte Rôtie La Landonne Guigal 1997 ressemble à un jus noir de griottes. Ce vin est tout dans le fruit noir, avec une puissance dévastatrice. Et ce qui est amusant, c’est que le plus jeune des deux est le 1997, d’une fougue juvénile débridée. Sa longueur est extrême et sa prise de possession du palais est une invasion. Quel vin !

Une crème au chocolat et à la noisette avec des tuiles au miel d’acacia est accompagnée par un Maury la Coume du Roy domaine de Volontat 1925. La rondeur que donne l’âge adoucit le propos de ce vin riche à la belle longueur. Ses évocations de pruneaux et de fruits bruns sont harmonieuses.

Nous avons reconstruit le monde, avec une hauteur de vue planétaire à côté de laquelle le sommet de Davos paraît subalterne ; je n’ai donc pas demandé de voter. Mon choix se porterait en premier vers La Landonne, en second l’Hermitage, en trois le Criots-Bâtard-Montrachet et en quatre le champagne Pommery. Ces jeunes vins du Rhône sont de plaisir pur.

Saint-Valentin au Bristol – photos samedi, 14 février 2009

Une fresque du plafond de la grande salle en rotonde de l’hôtel Bristol

Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé le 1er février 2005.

Les amuse-bouche, dont foie gras fumé, huitre.

Mousseline de chou-fleur, gelée d’oignon rouge au Xérès et écume de haddock,

Macaronis farcis, truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan.

Sole de sable farcie aux girolles, sucs d’arêtes réduits à peine, crémés au vin jaune.

Pigeon de nid laqué au miel et citron, compotée d’oignons et fenouil au cumin, sauce diable

Mangue pétillante et son sorbet citron

Meringue soufflée aux framboises rafraîchie au lait de coco, élixir au gingembre

Globe en gelée de thé.

 

Saint-Valentin au restaurant de l’hôtel Bristol samedi, 14 février 2009

C’est la Saint-Valentin. Où aller ? J’adore la salle en rotonde de l’hôtel Bristol et Eric Fréchon va cueillir sa troisième étoile. Fêter l’amour en un écrin merveilleux, avec la cuisine d’un chef qui est dans l’émotion d’une future promotion, rien ne sera plus délicat.

Nous sommes accueillis par des sourires épanouis, notre table est superbe et nous constatons qu’alentour, il n’y a que des couples amoureux, de la quarantaine sûre d’elle ou le la soixante dizaine coquine. Nous sommes bien installés et je jette un coup d’œil rapide au menu avant de commander mon vin. Marco, sommelier qui fera ce soir un service remarquable, m’indique que généralement, les couples prennent un vin rouge. Je regarde la carte et les prix, et apprenant que le dégorgement d’un Selosse est d’une ancienneté qui me convient, je jette mon dévolu sur un Champagne Substance Jacques Selosse dégorgé le 1er février 2005.

Marco a bien raison, ce Selosse dégorgé en 2005 est bien meilleur que le Selosse dégorgé en 2003. Celui que je bois ce soir est au sommet de son art. Les amuse-bouche, comme d’habitude, montrent le talent du chef, sans effet ostentatoire. Il y a une cohérence de chaque goût. Le fumé du foie gras est parfait, l’huitre est marine au plus haut degré. Le Selosse juste ouvert ne réagit pas encore vraiment et laisse passer son tour sur les amuse-bouche.

Sur la mousseline de chou-fleur, gelée d’oignon rouge au Xérès et écume de haddock, le champagne est divin sur la mémoire du haddock. C’est en effet après avoir laissé la trace du haddock s’estomper un peu en bouche que le Selosse prend un accent divin. Ce campagne vineux, goûteux, fortement expressif dans des tonalités de fruits blancs et oranges prend une résonnance sur le haddock qui le rend iodé, marin, avec la douceur des retours à la terre.

Le plat mythique, c’est celui des macaronis farcis, truffe noire, artichaut et foie gras de canard, gratinés au vieux parmesan. Et là, mystère du champagne et preuve de son adaptabilité remarquable, le champagne réagit sur la truffe, et nous donne un festival de fruits roses et de pétales de roses, par compensation à la densité de la truffe.

Jusqu’ici nous avions des goûts d’une pureté affirmée, véritable génie du chef, qui comme Van Gogh donne d’un trait d’une couleur inattendue une évocation qui aurait demandé mille couleurs dans un autre langage. Nous passons maintenant à un plat délicieux mais plus consensuel. C’est la sole de sable farcie aux girolles, sucs d’arêtes réduits à peine, crémés au vin jaune. Je défie quiconque d’exprimer le goût de la sole avec cette exactitude. Mais le plat est trop civilisé. Aussi, mon Selosse attend que ça se passe. Il est à l’affût, mais il n’est pas poussé dans ses retranchements.

Le pigeon de nid laqué au miel et citron, compotée d’oignons et fenouil au cumin, sauce diable et le seul plat dont la cohérence me pose problème ainsi qu’à mon épouse. Car la chair du pigeon, tendre et profonde à souhait, ne joue pas du tout avec le fenouil et l’oignon, trop amers. Et le champagne ne reconnaît que le langage du pigeon et celui de sa sauce. Et on sent qu’il apprécie, car il renvoie la balle du soyeux de la chair en exprimant un peu plus son vineux pur.

La mangue pétillante et son sorbet citron sont diaboliquement sensuels. La meringue soufflée aux framboises rafraîchie au lait de coco, élixir au gingembre est un dessert d’une perfection absolue, la couleur rose et blanche, le sucre en forme de cœur rose répondant au symbole du calendrier.

C’est sur un nougat blanc que le Selosse me fit fondre de joie, créant une correspondance inattendue mais impérative. Un moment de bonheur comme on en connaît peu très semblable à celui qu’un Salon 1988 avait suscité sur une mignardise à l’orange.

Le Selosse a été admirable. Il a eu trois points d’extase, sur la mémoire du haddock, sur la truffe lourde et sur un nougat blanc. Marco a eu l’intelligence de me proposer de ne pas rafraîchir le Selosse pendant le repas. Il m’avait dit : « si jamais vous sentez qu’il faudrait le refroidir, faites-moi signe ». Et au moment où j’aurais aimé que ceci se produise, Marco arrive avec un seau et seulement trois glaçons dans l’eau, pour apporter le petit coup de froid dont je sentais la nécessité. Un service de sommellerie de ce niveau mérite d’être signalé.

La cuisine d’Eric Fréchon est absolument délicate, sur un fond de technique abouti. Le pigeon n’était pas dans ma cohérence, mais attention, mon goût n’est pas universel, et c’est au chef de créer comme il l’entend. La sole devrait s’encanailler. Ce ne sont que des virgules car la cuisine est d’une grande finesse et délicatesse, qui justifie le couronnement de trois étoiles que l’on attend dans quinze jours. Si je devais retenir un goût, c’est la pertinence de la gelée d’oignon rouge au Xérès qui m’a époustouflé.

Selosse est grand. Cuisine, service, cadre, tout est grand. C’est un cadeau de Saint-Valentin. 

Un Mouton 1898 compense un faux Pétrus vendredi, 13 février 2009

Un nouveau casual Friday a lieu un vendredi 13, ce qui est signe de bonheur. Les participants ne sont pas du groupe habituel. J’ai apporté mes bouteilles la veille au restaurant Laurent. Notre rendez-vous est à 12h30 mais j’arrive à midi pile pour vérifier si les ouvertures se sont bien passées et je mets au point le menu avec Philippe Bourguignon.

Daniel a très correctement ouvert les bouteilles et je vois que le Pétrus 1936 n’est pas arrivé. J’imagine que mon ami a dû l’ouvrir chez lui car il habite à proximité. Le premier des arrivants vient de Lyon. C’est la première fois que je le vois, car l’envie de déguster ensemble s’est formée par nos échanges sur la toile. Florent a 32 ans, et son pedigree dans le domaine des vins anciens est déjà impressionnant. Il a apporté un Château Latour 1918 de la cave Nicolas et un grand vin blanc de Bourgogne que je lui demande de ne pas ouvrir car nous avons assez de vins. Le troisième larron de 57 ans que je connais pour avoir partagé de rares bouteilles et lutté contre lui en salles de vente arrive avec son Pétrus 1936 ouvert et nous montre le bouchon. Le bouchon est récent. Le nez du vin ainsi que sa couleur sont récentes. Le nez est objectivement de Pétrus, mais il s’agit d’un faux. Richard en est étonné, car qui ferait un faux 1936, année qui normalement ne suscite pas la fraude ? On ne fraude généralement que sur les grandes années. Richard a apporté en compensation un Château Mouton-Rothschild 1898 dont la capsule et le verre de la bouteille indiquent l’authenticité, l’étiquette récente ne donnant que l’indication d’un habillage récent. Si Richard a pris cette bouteille, c’est parce que j’avais annoncé un Pichon Baron de 1898. Or ayant aussi bien 1898 que 1904, je pense que mon Pichon Baron est de 1904, l’année n’étant pas lisible et le bouchon incapable de confirmer.

Avant qu’ils n’arrivent, j’ai goûté le Constantia d’Afrique du Sud du début du 19ème siècle que j’avais joint. C’est une supposition faite d’après le livre de cave des vendeurs d’une cave achetée récemment. Je suis étonné de la fraîcheur et des notes citronnées qui contrastent avec le parfum capiteux que j’avais attendu d’une goutte collée au goulot lorsque j’ai pris la bouteille en cave. Ce que je goûte ne ressemble pas à un Constantia. Nous verrons. J’ouvre le Mouton et le bouchon s’émiette. Richard est anxieux quand je l’ouvre, ce que je trouve sympathique car je suis aussi anxieux quand quelqu’un ouvre mes bouteilles.

Le menu consiste en une entrée au foie gras et joue de bœuf, un ris de veau à la truffe et une côte d’agneau. Les plats sont exécutés avec une douceur qui convient parfaitement au vin.

Nous prenons l’apéritif avec le faux Pétrus 1936 qui est, supposons-le, un Pétrus 1979. C’est en tout cas un Pétrus, avec un petit défaut qui s’amplifiera avec le temps au point de ressembler plus tard à un solide goût de bouchon. Le vin est buvable si l’on a soif, mais n’apporte aucune réelle émotion. A ma demande Daniel verse maintenant les quatre rouges dans nos verres, de gauche à droite : Château Mouton-Rothschild 1898, Château Pichon Longueville Baron de Longueville 1904, Château Latour 1918, faux Pétrus 1936.

Nous sommes trois, avec nos âges, nos cultures et nos expériences qui différent. Aussi, quand Richard dit que les deux plus vieux sont au-delà de leur période de vivacité, il crée un climat. Je savais que Richard est beaucoup plus critique que moi, et je sais que je suis plutôt « bon public », tolérant avec les vins anciens, mais cette phrase crée forcément une atmosphère. Fort heureusement nous sommes là pour partager ces flacons, et nous en profiterons. Le nez le plus beau, comme le souligne Florent, c’est celui du Pichon Baron. Je lui trouve en bouche de beaux accents fruités, même si une acidité insiste un peu. C’est au fil du temps le Mouton qui me plait le plus, qui devient de plus en plus mûr et structuré au point qu’en fin de repas il atteint un équilibre qui me ravit. Le plus désagréable en début de repas c’est le Latour 1918 aux accents giboyeux beaucoup trop prononcés. Mais progressivement ce défaut disparaît, même si le vin ne devient jamais d’une pureté totale. Ces évolutions me montrent qu’il eût été crucial d’ouvrir les vins beaucoup plus tôt.

Mes remarques sur ces quatre rouges seront les suivantes : il est certain que les deux plus vieux auraient été plus fringants il y a trente ans. Mais ils sont là, personne ne les a bus avant nous. Ils trouvent aujourd’hui l’issue pour laquelle ils ont été créés. Le Mouton 1898 me donne un réel plaisir. J’adore sa subtilité, sa délicatesse et sa finesse, et furtivement, j’ai pu retrouver ce que j’aime en Mouton, car comme pour chacun des vins, ce n’est pas facile de reconnaître son ADN sur ce que nous buvons. Le Pichon Baron 1904 est à la fois plus acide et plus velouté. Son fruit me séduit. Le Latour 1918 serait revenu à la vie quelques heures plus tard et ne nous a pas donné le plaisir escompté. Le faux Pétrus 1936 n’offre rien de bon,  même si c’est un 1979, car il a une absence de longueur et un gros défaut. Est-ce que le bilan est positif ? Pour moi il l’est, car l’important, c’est d’ouvrir ces témoignages qui ne demandent qu’à être bus. Florent est de mon avis. Est-ce que Richard, qui a bu tellement de vins extraordinaires est satisfait ? Malgré son regard critique sur les vins, je le crois volontiers. Nous n’avons pas laissé la moindre goutte des deux plus anciens. C’est la preuve que nous avons aimé.

Le supposé Constantia d’Afrique du Sud du début du 19ème siècle avait offert un nez de noix à l’ouverture, aussi ai-je demandé que l’on nous serve un Comté. Le nez est doux, fin et racé. La trace de noix existe. En bouche, c’est le citronné qui domine, puis un gras doucereux, avec une infime trace de glycérine. Ce vin est un objet vineux non identifié. Richard scrute la bouteille, d’une rare beauté, et confirme qu’elle a près de deux cents ans. Il confirme que le goût est bien de la première moitié du 19ème siècle. Les supputations ne vont pas beaucoup plus loin, car c’est un vin doux, dont la région pourrait être l’Afrique du Sud, mais sans certitude autre que le livre de cave là où je l’ai acheté. Le vin est-il bon ? Florent l’adore, Richard et moi l’apprécions plus pour la curiosité que pour une véritable valeur gustative. Nous sommes loin de la douceur captivante de mes vins de Chypre de la même période et des souvenirs de vins de Constance que j’ai déjà bus de cette période.

L’ambiance était amicale. Richard a une expérience unique au monde, ayant bu des vins rouges du 18ème siècle par exemple. Quand il nous raconte Lafite 1804 ou Lafite 1848 nous buvons ses paroles comme si nous buvions le vin. Florent pour son jeune âge a une expérience qui impose le respect. Cela me tente de l’aider, si je peux, à élargir le champ de ses connaissances déjà impressionnantes par certaines de mes pépites qui attendent en cave.

Nous avons bu des vins qui objectivement auraient dû être bus depuis longtemps. Mais nous les avons ouverts, et c’est cela qui compte. Et la délicatesse du Mouton 1898, le velouté du Pichon 1904 suffisent à mon bonheur. Aucun vin ne brillera à mon Panthéon mais nous pouvons être fiers d’avoir fait ce déjeuner où l’amitié n’est pas la moindre des richesses.

déjeuner au restaurant Laurent – photos vendredi, 13 février 2009

Cette bouteille de Pichon Longueville Baron 1904 est mise ici pour montrer le millésime. Celle qui sera bue, montrée après, n’en a pas.

La bouteille de Pichon Longueville 1904 Baron qui a été bue à ce déjeuner, de niveau presque dans le goulot.

La très belle capsule, très nette malgré 104 ans, indication des conditions de stockage dans la cave où elle a reposé.

Château Monuton-Rothschild 1898

La très jolie capsule du Chateau Latour 1918, qui, hélas, ne fut pas très brillant

L’étiquette du faux Pétrus

Le bouchon et la magnifique bouteille de ce qui est peut-être un Constantia Afrique du Sud 1ère moitié du 19ème siècle

deux potos des vins du repas

L’entrée au foie gras fourré, le ris de veau surmonté de copeaux de truffes

La côte d’agneau