Magie de vins anciens au restaurant l’Oustau de Baumanièremercredi, 1 avril 2015

Par échange de mails, j’ai acheté des vins à un amateur qui vit dans le Gard. Pour en prendre livraison une idée me vient : se rejoindre aux Baux de Provence lorsque je serai dans le sud. Ce qui me donnerait l’occasion de déjeuner à l’Oustau de Baumanière.

Nous nous présentons au restaurant l’Oustau de Baumanière, ma femme, une amie et moi, par un beau soleil et un grand vent. Le personnel nous accueille avec le sourire, se souvenant de beaux repas que j’ai eu l’occasion de faire en ce lieu.

La carte des vins est très riche et comprend des vins anciens sagement gardés depuis des décennies. C’est donc une invitation à casser sa tirelire et à rendre hommage à la gestion de cave remarquable de cette maison. Jean-André Charial n’est pas présent car il s’occupe de ses autres restaurants. Je demande qu’on lui transmette mes amitiés. Le sommelier Gilles Ozello accompagnera avec talent notre dégustation.

Trois petites mises en bouche nous proposent palourde, dé de saumon et une crème de rouget délicieuse. L’amuse-bouche consiste en des pâtes en ravioli trempant dans un bouillon délicieux.

Mon repas sera : foie gras de canard, fine gelée d’agrumes / pigeon des Costières, viennoise aux olives vertes, céleri et salade d’abats / saint-nectaire / millefeuille.

Le Champagne Moët & Chandon 1914 se présente dans une bouteille qui paraît saine. Le niveau a un peu baissé mais pas trop. A travers le verre assez sale et coloré, la couleur est difficile à deviner mais paraît ambrée. On imagine qu’il n’y a plus de bulle, mais je confirme ma commande. Le bouchon sort sans effort et sans pschitt. Le vin dans le verre est très ambré. Le nez est assez joli. En bouche, le vin est riche, sans aucun pétillant, ce que je regrette un peu. Des agrumes forts apparaissent comme des zestes d’oranges ou de pomelos. Le vin est assez court, manquant un peu d’équilibre et j’attendais sans doute un peu mieux de ce vin que je souhaiterais adorer tant car je considère Moët 1914 comme l’un des plus grands Moët qui ait été fait, au-dessus même du mythique 1911.

Le vin avait besoin de s’aérer car tout-à coup, au moment où je reçois le foie gras, le nez du champagne devient vibrant, sensuel et riche, évoquant de lourds fruits exotiques. Et en bouche, la transformation est spectaculaire. Le champagne prend de l’ampleur et surtout de la longueur. Il est riche, profond, complexe, jouant sur un registre de fruits confits, tantôt agrumes rouges, tantôt prunes gorgées de soleil. On sait que nous ne sommes plus sur le terrain des champagnes et plus sur celui des liquoreux légers, mais plus encore sur une combinaison des deux, et je suis pris d’un grand amour pour ce 1914 qui n’est pas le plus grands de ceux que j’ai bus, mais qui est d’une émotion extrême.

J’ai choisi sur la carte le Corton rouge Bonneau du Martray 1961 car je n’ai jamais rencontré ni bu des cortons de ce prestigieux domaine de cet âge. Le niveau est assez bas mais c’est la dernière bouteille du restaurant. Je décide de la prendre malgré une couleur que je suppose non parfaite. Gilles ouvre la bouteille et le bouchon noir vient en mille miettes. Le nez du vin est relativement neutre. La couleur est tuilée et peu engageante. A la dégustation, les promesses sont beaucoup plus grandes. Et, comme pour le champagne, il faut attendre le réveil du vin.

Il évoque la truffe, la mine de crayon et sa matière est riche et épaisse. Sa plénitude, sa construction bien assemblée, son équilibre vont me conduire à l’adorer car, en plus, le pigeon est probablement le meilleur de ceux que j’ai mangés depuis quelques années. La chair est exceptionnelle et le pigeon se confond avec le vin car l’olive rejoint son goût truffé. Je suis sur un petit nuage, car la fusion entre pigeon et le vin les soude comme l’on soude les plaques d’acier de la carène d’un bateau. Mon plaisir est inextinguible.

Je fais verser dans un autre verre la lie qui est noire d’encre et superbement goûteuse, accompagnée du saint-nectaire.

Le service est parfait, le sommelier est d’une attention permanente et c’est un plaisir de discuter avec lui, la nourriture est superbe et le pigeon m’a enthousiasmé ainsi que les fruits confits extraordinaires que j’ai choisis de la même couleur que le champagne, melon, abricot, kumquat, pour qu’ils forment avec le reste du Moët un accord couleur sur couleur du plus bel effet.

C’eût été un péché de ne pas choisir des vins dans la caverne d’Ali Baba de l’Oustau de Baumanière, étape indispensable des amateurs de bonne chère et de grands vins.

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ma femme a pris un cochon de lait dont les pommes de terre sont cuites dans un rouleau de graisse découpé devant nous

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