Dîner au restaurant La Vague d’Or à Saint-Tropez, nouveau trois étoilesmercredi, 1 mai 2013

La Réserve de la Pinède à Saint-Tropez est un coin de paradis. Imaginez un triangle dont les côtés ont des chambres ou des suites face à la baie de Saint-Tropez et dont l’hypoténuse est une délicieuse plage de sable fin. L’intérieur du triangle est une pinède élégante où sont semées de jolies tables et d’attirantes chaises longues. Face à la mer, au soleil couchant, nous prenons un Champagne Dom Pérignon 1996 qui confirme, une fois de plus, qu’il est une réussite majeure. Le champagne est floral, évoque les fruits blancs, mais c’est surtout sa vivacité et sa persistance aromatique qui enchantent.

Les amuse-bouche sont d’inégal intérêt, le tempura de langoustine étant une petite merveille.

Pour choisir ce champagne, j’avais consulté la carte des vins où il est facile de repérer ce qui est prévu pour le touriste russe et ce qui est prévu pour l’amateur de vin. Il y a quelques bonnes pioches, mais la carte des vins n’a pas encore le niveau de variété que doit avoir un restaurant trois étoiles. Car Arnaud Donckele, le jeune chef, vient de décrocher la troisième étoile pour son restaurant La Vague d’Or, niché dans cet hôtel. Trop rapide sans doute, j’ai commandé deux vins rouges. Le très compétent directeur, Thierry di Tullio, aurait dû stopper ma commande, ou le sommelier, car les vins ont joué à contremploi. Mais le caractère décidé et péremptoire de ma commande les en a peut-être dissuadés.

Nous passons dans la grande salle à manger où un peintre expose ses toiles. Tous les goûts sont dans la nature, mais ce n’est pas le mien. Les tables sont espacées et l’atmosphère du lieu est cosy. Le service est impeccable, attentionné et compétent. Lorsque notre compétente et jolie serveuse reprend les ronds de serviette en faïence avec fourchette et cuiller, on ne peut que sourire. Le fait de ramasser les miettes après chaque plat est un plaisir qui devrait être la norme. Bravo.

Le menu que nous avons choisi est la « balade épicurienne » : sériole et chair d’esquinado marinés à la mandarine Berlugane, feuilles de farigoulette, primeurs et herbacés à cru / langouste puce et saint-pierre, coupés en fines tranches, une gelée abyssale, anglaise de corail au yuzu et mélisse / la pâte zitone de foie gras truffé, gratinée au parmesan, artichauts violets étuvés au basilic / courbine meunière déglacée au jus de vernis et braisée longuement, sabayons d’estragons et sudachi, king-crabe enrobé de ses sucs, asperges fondantes et d’autres croquantes et croustillantes / granité à la fleur de thym, sorbet fenouil de Florence, une flanquée d’absinthe / l’esprit d’un pot-au-feu de volaille et homard, le jardin y distille le parfum de légumes, d’herbes et gingembre rose / lactée de brousse du Rove, caillé de brebis au miel de safran de la Môle, yaourt Caillolais de Marseille, poire en deux textures et huile de bouteillan / accord entre la pomme de Manosque et le combava, l’éphémère d’un soufflé chaud, texture en superposition glacée.

Mon potentiel au Scrabble va s’enrichir d’un coup, car il y a la moitié des mots de ce menu que je ne connais pas. Avant de parler de la cuisine, parlons un peu des vins. J’avais imaginé que le bourgogne viendrait avant le vin rhodanien mais devant la complexité du menu, j’ai demandé que les deux vins soient servis ensemble pour que nous puissions choisir l’un ou l’autre pour chaque plat. Et nous avons pu vérifier ce que je constate souvent, c’est que pour un plat déterminé, c’est un des vins qui est adapté, et jamais les deux. Le Corton rouge Bonneau du Martray 2009 a été brillant pendant toute la première partie du repas alors que le Domaine de Trévallon Vin de Pays des Bouches du Rhône 2001 a ensoleillé la deuxième partie. Inutile de dire que pour certains plats, il a fallu recalibrer le palais en mordant le délicieux pain servi à satiété.

Le Corton 2009 est un vin d’une subtilité rare. Il est soyeux, délicat mais pénétrant en même temps. Il joue en permanence sur son raffinement. Tout en lui est noblesse et j’ai les yeux de Chimène pour ce vin de Corton. Il est jeune bien sûr, mais il est encore dans la période où sa jeunesse triomphe.

Le Trévallon 2001 est nettement moins complexe que le Corton, mais la comparaison n’a pas de sens, car ils ne jouent pas sur le même registre. Ce vin est de soleil, puissant avec ses 14°, direct, s’imposant par sa cohérence. Il est généreux, précis, de belle mâche et emporte nos suffrages par son enthousiasme. Au final, nous classerons, Philippe et moi le Dom Pérignon, puis le Corton puis le Trévallon.

La cuisine d’Arnaud Donckele est résolument tournée vers le produit local de qualité. Il explore des saveurs combinées avec une belle richesse imaginative. L’exécution des cuissons est un modèle du genre. Je serais mauvais juge de cette cuisine car j’attends qu’elle soit tournée vers le vin, ce qui n’est pas le cas de celle-ci. Lorsque je m’en suis ouvert à Arnaud, il m’a dit qu’il a fait immerger dans les eaux d’un banc d’huîtres des bouteilles de vin blanc pour qu’elles captent de l’iode qui s’harmoniserait à sa cuisine. L’intention est louable, mais ne couvrira qu’une facette de sa cuisine. A ce jour, c’est le champagne qui accompagnera idéalement la cuisine d’un chef inventif et créatif.

Je l’aimerai encore plus lorsqu’elle visera la cohérence des plats en pensant aux vins. Il ne fait pas de doute que ce chef est promis à un bel avenir, dans un cadre féerique, avec une équipe dont la compétence et le sens du service est à signaler. Le chef a dédicacé d’un mot charmant nos menus où figurent les noms mais aussi les images des étiquettes des vins. C’est une délicate attention, très représentative de l’esprit du lieu.

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