Dégustation des vins de 2011 du domaine de la Romanée Contimardi, 16 décembre 2014

Comme chaque année, Aubert de Villaine, co-gérant de la Romanée Conti, vient présenter au siège de la société « Grains Nobles » le dernier millésime qui vient d’être mis sur le marché. Il est assisté de Michel Bettane et Bernard Burtschy. Les participants sont des fidèles. Aubert de Villaine nous présente les 2011 qui sont de la 46ème vendange suivie par lui. Il parle du millésime et de sa vision. Un vigneron doit prendre des risques et avoir de la chance. Le début de saison avait été précoce. Un très beau temps en avril a duré presque jusqu’à la floraison le 20 mai ce qui est très tôt, comme en 2003 et 2007. Le retournement du temps s’est produit au moment de la floraison. Il y a eu du millerandage. Pluies, vents tournants, orages ont perduré. Juillet n’a pas été beau et a donné lieu à des attaques de botrytis qui ont fort heureusement cessé car il a fait froid. Au 15 août, nouveau retournement avec chaleur et orages, ce qui a compliqué le travail en vigne. Il y a eu une maturité très rapide et une baisse des acidités. Il y a eu de la grêle à Volnay et Gevrey mais Vosne Romanée a été épargné. Fin août on sentait que la maturité était proche et il fallait prendre le risque d’attendre et de voir apparaître le botrytis. La chance a été d’avoir des peaux épaisses qui ont permis de retarder les vendanges au 2 septembre pour le Corton et au 5 septembre à Vosne, sans avoir d’explosion du botrytis. La vendange a été difficile, avec le souci d’éliminer les baies à botrytis ou grillées. Ce fut une vendange très sélective et l’on a laissé de côté les ceps qui portaient les grappes les plus grosses. On a essayé une table vibrante et on a éliminé beaucoup de larves et de coccinelles. Les raisins de cette récolte ont été parfaits. Il y a eu beaucoup moins de botrytis dans le Montrachet que dans les rouges.

Après cet exposé passionnant, nous avinons nos verres avec un Vosne Romanée Dominique Laurent 2011. Le vin est violet clair, sent des fruits aigrelets. Il est de belle mâche, bon, franc, sans complexité.

Le Corton Grand Cru Prince Florent de Mérode Domaine de la Romanée Conti 2011 est de la troisième vendange faite sous l’autorité de la Romanée Conti. Il est fait de trois sous-climats de Corton qui sont les meilleurs selon Michel Bettane. La couleur est rouge clairet. Le nez est assez chaleureux avec des suggestions de fraises écrasées. Le vin est ouvert, très fraise et framboise. Le final est vineux, avec des traces de réglisse et légèrement de thé. Il est plutôt gourmand, agréable et on sent un potentiel gastronomique. Je le trouve plus abouti que les 2009 et 2010, avec un côté terrien, racinaire dit Aubert et un bois bien fondu.

L’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe d’un rouge plus foncé que celui du corton. Le nez est très pur et c’est celui du domaine, ouvert mais rêche, tout en finesse. L’attaque est gourmande avec des fruits noirs. Le final est végétal avec un peu de réglisse. Le vin est plutôt sucré, délicieux au beau final raffiné. Il semble gastronomique suggère un peu de café tout en étant vineux. Il est de grande fraîcheur et plus facile à comprendre que des Echézeaux d’autres années. Bien sûr les autres vins du domaine sont plus complexes, mais il est plaisant.

Le Grands Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe un peu plus sombre encore. Le vin est un peu réduit, ce qui fait qu’il a besoin de plus de temps pour s’épanouir dans le verre. Il est plus intense que l’Echézeaux, plus riche mais un peu plus brut aussi. La mâche est riche, il s’améliore. C’est un vin qu’il faudra attendre plusieurs années.

La Romanée SaintVivant Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe assez proche de celle du Grand Echézeaux. Aubert dit que c’est une robe de Nuits-Saint-Georges. Le nez est délicat. Il n’y a pas une trace de bois, on sent le vin. L’attaque est superbe et élégante. Le vin est gracile, féminin, doux. Le final le rend plus viril, affirmé. Il y a un saut qualitatif par rapport aux deux premiers vins du domaine. Aubert parle de concentration et transparence de ce vin ciselé.

Le Richebourg Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe d’un rouge intense, violacé. Le nez est aussi intense, riche, très vineux. Le vin a une attaque d’une puissance rare. Le final est riche et vineux. Il s’impose, il est carré, grandiose, guerrier. A mon goût, il est particulièrement bien fait. Il est joyeux et glorieux.

La Tâche Domaine de la Romanée Conti 2011 a une couleur encore plus noire. Le nez est incroyablement suave et doux. C’est assez étonnant. L’attaque est riche, plus épicée que celle du Richebourg et moins florale. Le final est beaucoup plus ample. Il y a une grande netteté, avec puissance, grandeur, fraîcheur. Le vineux évoque le sureau. Aubert de Villaine évoque le portrait de Richelieu par Philippe de Champaigne où le velours rouge capte le regard. On sent la rafle dans le vin. Il est au-dessus du Richebourg, alors que j’ai adoré le Richebourg. Aubert dit que les grains ont des maturités plus complexes que pour La Tâche 1990 que j’ai évoqué car ce 2011 m’y fait penser, à cause du travail à la vigne qui rend le vin plus fin que le 1990.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 2011 a une couleur plus rouge et plus claire. Le nez est très doux, suave, assez discret et soyeux. L’attaque tintinnabule tant elle est complexe. Le vin pianote dans toutes les directions mais il n’est pas envahissant. Il a vraiment un parcours en bouche en pianotage. Ce vin s’exprime de façon très poétique. Lorsque je reviens aux autres vins, ils paraissent tous très simples. Il y a un éventail de saveurs dont on a du mal à faire le tour. Il est impressionnant, et les fruits rouges et les épices font comme un feu d’artifice. Je me recueille. Alors que tout le monde parle autour de moi, je me renferme dans ma bulle pour essayer de capter le message du vin. Je reste sans voix, captivé par l’ampleur et la complexité du vin.

Si je résume les quatre derniers bus, la Romanée Saint-Vivant est très franche, claire et pure, le Richebourg est affirmé, puissant, direct, La Tâche a une grande complexité et beaucoup de charme et la Romanée Conti est encore plus complexe, à la palette gustative infinie. Si ces vins sont plus faciles à lire que ceux de précédentes années, ils sont loin d’avoir permis de comprendre tous leurs mystères.

Le Montrachet Domaine de la Romanée Conti 2011 a une robe d’un jaune clair avec un peu d’or blanc. Le nez combine agrumes, lait et amandes. Le vin est beaucoup plus sec que d’habitude, sans la moindre trace de botrytis. Il a du citronné et son final est grandiose. C’est dans le final qu’il s’affirme avec citron, amande et noisette. Michel Bettane dit que sur ce millésime il a le style Leflaive. Il est moins monumental que d’autres années car il est plus sec. Il a une grande pureté, une belle présence et une persistance aromatique supérieure à celle des rouges. Son empreinte est d’une grande fraîcheur.

Il est à noter que lorsque le dialogue s’instaure avec la salle, les questions sont essentiellement techniques. Personne n’a parlé de goût. Les explications de Michel Bettane sont toujours pertinentes, la vision d’Aubert de Villaine est d’une grande sagesse et humilité. Cette dégustation est un grand moment. Si je devais donner un avis sur les vins de cette année, le Montrachet est nettement plus sec et sera plus strict que d’autres années. Les rouges sont d’une très grande précision, fruits d’un travail remarquable. Mais il va falloir attendre longtemps avant que ces vins subtils ne délivrent le charme qu’ils recèlent en eux. Je ne connaîtrai sans doute jamais leur maturité.

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