Archives de catégorie : dîners ou repas privés

Déjeuner d’anniversaire dimanche, 21 avril 2024

Le lendemain matin il faut préparer le déjeuner dont l’intention est de fêter mon anniversaire. Mes trois enfants seront présents, ce qui est une chance appréciable, et deux de nos six petits-enfants seront avec nous. L’idée me vient de choisir des vins des années de mes trois enfants. Je descends dans la cave de la maison et je prends un Château Ausone 1967, un Cheval Blanc 1969 et un Pétrus 1974. Ce qui est intéressant, c’est que les trois vins ont un niveau de bas de goulot, ce qui est parfait et les étiquettes sont impeccables. C’est une bonne nouvelle sur la qualité de la cave de la maison.

Comme j’ai déjà ouvert il y a trois jours un vin de 1969 de l’année de mon fils, et comme trois vins rouges seraient de trop j’ouvre seulement le 1967 et le 1974 aux beaux bouchons et aux parfums prometteurs.

Lorsque c’est fait nous partons avec mon fils faire une promenade dans une magnifique forêt de 280 hectares, ouverte au public, et dont une porte est à moins de cinq cent mètres de chez nous. Quelle chance d’être si près de cette magnifique forêt conservée dans son état le plus naturel.

Au retour, j’ouvre un Champagne Heidsieck & Cie Monopole Cuvée Diamant Bleu 1979. La bouteille est très belle avec un verre biseauté façon diamant mais élégamment suggéré. Le bouchon s’est brisé non pas comme souvent en laissant en place la lunule du bas, mais juste sous la partie externe du bouchon ce qui est rare. Le nez promet.

Les enfants et petits-enfants arrivent et nous avons sur table un programme gargantuesque : deux fromages de tête, des tranches de jambon Pata Negra, des amandes salées, des têtes de moines, du gouda au Pesto comme celui que nous aimons dans le sud, un saucisson viril et j’oublie sans doute d’autres gourmandises.

Nous commençons par le Champagne Abel Lepitre 1959 pour que mes filles profitent de ce superbe et généreux champagne. L’effet du temps passé depuis l’ouverture est faible. Mes filles peuvent donc profiter de ce beau et riche champagne.

Le Champagne Heidsieck & Cie Monopole Cuvée Diamant Bleu 1979 a une belle bulle encore active. C’est un champagne racé d’une belle année qui m’évoque le Mumm Cuvée René Lalou 1979 qui a la même vivacité et la même finesse. Ce champagne s’adapte à tous les mets et montre sa belle subtilité racée. Un champagne long et raffiné.

Nous passons à table. Ma femme a préparé une épaule d’agneau de sept heures, marinée avec un peu de bière blonde et des légumes comme la carotte.

Le Château Ausone 1967 a un nez élégant. Le vin lui-même est élégant et noble. Il est très long, dynamique. C’est un grand Saint-Emilion exprimant le meilleur de ce que ce millésime peut donner.

Le Pétrus 1974 avait un parfum plus discret à l’ouverture. Ce vin joue avec mon palais. Il dit : essayez de trouver qui je suis. J’ai commencé à préférer l’Ausone mais au bout d’un certain temps, la complexité de ce Petrus m’a fait l’aimer un peu plus. Mon fils l’avait préféré dès le début. Il m’a fallu plus de temps.

Pour le dessert, ma femme a préparé un gâteau reine de Saba. J’ai ouvert un Maury la Coume du Roy Agnès de Volontat-Bachelet 1948. Je connaissais la mère d’Agnès et je connaissais leur collection de vieux tonneaux. La mise en bouteille de 50 cl a été faite récemment à partir de fûts bien conservés.

Ce Maury de 17° d’alcool est tellement charmant. C’est un plaisir à boire, simple et souriant. Parfait pour le chocolat car il est léger et ne s’impose pas. La reine de Saba de la forme d’un tore est pratique pour planter des bougies que j’ai soufflées. Il y en avait largement moins que mon âge. Ce repas avec mes enfants et petits-enfants fut un grand moment de bonheur.

Dîner du samedi avec mon fils samedi, 20 avril 2024

Nous allons fêter mon anniversaire avec deux jours d’avance, un dimanche, pour que nous ayons avec nous nos trois enfants et deux des petits-enfants. Mon fils dit qu’il sera le samedi soir avec nous. Il va falloir que je prépare ce dîner du samedi.

Nous commencerons par le Champagne Abel Lepitre 1959 dont il reste presque la moitié et j’ajouterai un Champagne Dom Pérignon 2002 que je n’ai pas bu depuis longtemps.

Ma femme ayant prévu des linguines avec des dés de saumon, il faut un blanc. Je vais dans la cave de la maison que j’utilise très peu car souvent je prépare les vins dans la cave principale. Je vois dans une case deux bouteilles qui ont la même étiquette avec un seul mot : Graves. C’est sans doute une étiquette « passe-partout » que l’on donne à des marchands de vins qui ont acheté un petit fût de vin. Du fait de la présentation de l’étiquette, ce peut être des années 40 ou 50. Les niveaux dans les deux bouteilles sont très bas, la perte étant forte. Comme il y a un risque certain, je choisis aussi un Chevalier-Montrachet Domaine du château de Beaune demi-bouteille 1960.

J’essaie d’ouvrir la première bouteille de Graves, celle qui a le plus bas niveau et la couleur la plus foncée et malgré mes efforts je ne peux éviter que le bouchon tombe dans le vin, avec beaucoup de petits déchets de liège. Je prends une carafe, un entonnoir et un tamis pour recueillir les petites particules. Le vin en carafe n’a pas un mauvais parfum, mais de peu d’émotion.

Le bouchon de la deuxième bouteille de Graves vient sans trop de problème. Les senteurs sont assez agréables, sans défaut.

J’ouvre maintenant la demi-bouteille de Chevalier-Montrachet 1960. Le bouchon impeccable sort entier et sans problème et le magistral parfum est encore plus agréable quand il suit les parfums faibles des deux Graves.

Le temps de l’apéritif est proche aussi j’ouvre le Dom Pérignon 2002. Le pschitt est très fort, poussant ma main en faisant un joli bruit. Le parfum est magique, conquérant.

J’ai acheté deux cochonnailles, un pâté de tête et une rillette de porc, mais le boucher a ajouté une rillette de volaille en me disant : je la préfère à celle de porc, essayez-la.

Le Champagne Dom Pérignon 2002 est versé dans nos verres. Sa couleur est très pâle, comme celle d’un 2013, montrant une belle jeunesse. En bouche ce champagne est d’une vivacité extrême. C’est un jeune fou, ravi de s’ébrouer. Il est exactement comme le 2002 que j’ai pu boire il y a plus de quinze ans. Il est brillantissime, et à le boire, je ne comprends pas comment on a créé un 2002 P2 de deuxième plénitude quand ce 2002 a encore une jeunesse si brillante. Quel grand champagne.

Les cochonnailles sont idéales. Si la rillette de volaille est plus raffinée, je préfère le gras de la rillette de porc, qui met en valeur le champagne.

Nous passons à table. Nous convenons que le Graves mis en carafe ne sera pas bu et nous essayons le Graves blanc années 40 ou 50 resté en bouteille, avec les linguines et dés de saumon. Le plat met en valeur le vin de Graves qui nous donne quelques belles sensations, mais l’envie est trop grande de passer au Chevalier-Montrachet Domaine du château de Beaune demi-bouteille 1960. Quel grand vin ! Le parfum est grand et joyeux et en bouche, c’est un vin solide comme le château de Beaune. Carré, puissant, riche, il a tout pour plaire. Il n’y a aucun effet lié au petit voulume d’une demi-bouteille et son âge de 64 ans ne se ressent absolument pas. Une réussite absolue.

Il reste un fond de bouteille du Château Margaux 1916 qui n’a pas souffert d’avoir été ouvert il y a trois jours. Avec un saint-nectaire nous en profitons.

Dîner avec mon fils et des vins centenaires jeudi, 18 avril 2024

Mon arrêt de repas et de toute forme d’alcool a duré deux mois du fait d’une hospitalisation avec des montagnes de médicaments faisant de mon estomac une usine chimique. C’est la première fois que je vais partager des vins avec mon fils aussi ai-je envie de frapper très fort. Pour les rouges, je choisis un Château Margaux 1916 à la très jolie bouteille soufflée et au niveau mi- épaule. Cette bouteille m’inspire. Je prends ensuite une demi-bouteille de Château Haut-Brion 1919 d’une grande beauté, au niveau parfait. L’idée d’ouvrir deux vins de plus de cent ans me chatouille aimablement.

Pour le champagne, je choisis d’abord une demi-bouteille de Pol Roger 1969, elle aussi très belle et une bouteille qui m’est inconnue, un champagne Abel Lepitre 1959.

J’ouvre d’abord le Château Margaux 1916. Le verre du goulot n’a pas d’aspérité et pas de surépaisseur. Sous la capsule il y a de la poussière. Le bouchon vient bien et de belle qualité. Le parfum est prometteur. Il n’y a aucun défaut apparent.

Le bouchon du Haut-Brion 1919 est collé au goulot. Je ne peux pas le soulever car seules des déchirures se font. Je suis obligé d’utiliser le tirebouchon Durand pour sortir le bouchon. Le parfum a l’ouverture est encore plus engageant que celui du Margaux.

Vient le tour de la demi-bouteille de Pol Roger 1969. Le bouchon est tellement collé au verre que je n’arrive pas à le soulever. J’utilise un tirebouchon pour champagnes dont le manche est prolongé d’une sorte de fourche que j’essaie de pousser sous le bord du bouchon. Après un gros effort je soulève le beau bouchon sur lequel on voit clairement 1969, mais la lunule du bas est restée dans le goulot. Je la lève facilement.

Le parfum du champagne est enthousiasmant. Aucun pschitt n’est apparu.

Le Champagne Abel Lepitre 1959 a une jolie bouteille. Le bouchon – enfin un – vient facilement. Le bouchon est court et beau. Le parfum très différent est lui aussi très engageant.

A l’heure de l’apéritif nous commençons par le Champagne Pol Roger 1969. La couleur est dorée et magnifique. Le parfum est riche et puissant. En bouche, quel bonheur ! J’avais bu hier au Guy Savoy un champagne de 2018. C’est le jour et la nuit. Le Pol Roger est sur l’Olympe quand le 1918 était sur le plancher des vaches. Ce champagne est adorable, riche, large solaire, conquérant. Sur un fromage de tête, il est impérial.

Le Champagne Abel Lepitre 1959 a encore un peu de bulles et une couleur dorée à peine plus claire que celle du Pol Roger. Les deux champagnes sont opposés quand le Pol Roger est guerrier, le 1969 raconte des madrigaux délicieux. Il est tout en subtilité. Les deux champagnes sont parfaits, chacun en son genre. J’aurais tendance à dire que le Pol Roger est le plus noble, le plus complet, mais l’Abel Lepitre montre un étalage de subtilités qui le mettent à un très haut niveau.

Avec mon fils nous sommes ravis, car ces deux champagnes sont porteurs de grands plaisirs.

A table nous avons des pommes de terre à la crème et à la truffe, une truffe assez blanche, plus stricte qu’une melanosporum.

Je sers le Château Margaux 1916 et immédiatement nous sommes émus car ce vin est transcendantal. Il a une forme de perfection absolue. Il est tout de grâce. L’année 1916 est oubliée des radars des plus grands amateurs, car 1914, 1915, 1918 et 1919 sont très au-dessus de ce millésime. Mais je me souviens d’avoir été subjugué par un Malartic-Lagravière 1916. J’avais été tellement dithyrambique que le château avait mis mon commentaire affiché dans la salle de réception des visiteurs du château. J’avais été surpris de le lire lors d’une visite au château.

Le Margaux 1916 c’est cela, un sentiment de perfection intemporelle car l’ayant servi à mon fils à l’aveugle il avait un demi-siècle d’erreur, ce qui est tout à fait normal.

Ma femme a préparé des tranches de Wagyu dont nous aurons trois services, de quoi profiter des vins. Le Château Haut-Brion 1919 a un parfum riche extraordinaire et nous avons une fois de plus l’impression d’être en face de la perfection absolue. J’espérais beaucoup de ces deux vins centenaires, mais à ce point, jamais. Le Haut-Brion est plus dense, plus construit, plus solide. Et on peut dire que le Margaux est très féminin et le Haut-Brion très masculin et chacun dans un style qui n’est pas exagéré.

Nous nous regardons avec mon fils, émerveillés de cette expérience unique. Le wagyu convient aux deux mais naturellement plus au vin le plus masculin.

Un Epoisses ne convient qu’au 1919.

Quatre vins, quatre réussites. Voilà un beau repas qui marquera nos mémoires.

Dîner au restaurant Guy Savoy mercredi, 17 avril 2024

Avec ma femme, nous allons célébrer nos cinquante-huit ans de mariage au restaurant Guy Savoy dans le magnifique immeuble du musée de la Monnaie. Il y a plusieurs années que nous n’étions pas venus en ce lieu à la décoration très moderne. Nous sommes reconnus et nous reconnaissons de nombreux membres du personnel. Il y a un côté intimiste dans les salles de ce restaurant.

Guy Savoy vient nous saluer. Il est toujours aussi charmant et dynamique. Nous commanderons à la carte. L’entrée sera commune : suprême de volaille, foie gras et artichaut, vinaigrette à la truffe.

Nos plats divergeront, ma femme prenant le ris de veau « moelleux-croustillant », les morilles étuvées, pointes et feuilles vertes, tandis que je prendrai les beaux morceaux de l’agneau en verdure printanière car j’ai vu ce plat en photo sur Instagram.

Sylvain, le très compétent sommelier que je connais depuis longtemps me suggère, comme champagne au verre, un Champagne J.M. Sélèque Partition 2018 en sept parcelles, dégorgé en octobre 2023. Ce champagne jeune est intéressant parce qu’il a une belle structure et une certaine amplitude. Mais bien évidemment, il n’a pas l’ampleur d’un champagne plus âgé. Je le boirai avec plaisir.

L’amuse-bouche est à base d’ortie, pour montrer un attachement à la nature, mais j’avoue ne pas avoir été séduit car l’ortie a une forte amertume. Il y a ensuite une crème au caviar.

Devant une carte des vins typique des grands restaurants, on reste parfois songeur. Un champagne que j’adore, âgé d’un quart de siècle seulement, est proposé à 33 fois mon prix d’achat, je l’ai vérifié. Mais évidemment le prestige de ce champagne a explosé comme une fusée. Mais il y a aussi des vins très accessibles. J’ai jeté mon dévolu sur un vin du Rhône de 2012. Sylvain me dit que ce vin est encore trop fermé et me suggère une Côte-Rôtie Michel et Stéphane Ogier 2006. C’est d’autant plus aimable que sa proposition est moins chère que mon choix.

Lorsque je sens le vin, le parfum me semble extrêmement puissant. En bouche j’ai la même impression au point que ce vin me paraît fortifié. Sylvain me dit qu’il connaît ce vin depuis son origine et qu’il l’a suivi depuis sa création. Je lui fais goûter un verre et il maintient son jugement. Je suis peut-être trop influencé par les Côtes Rôties de Guigal qui ont d’autres expressions.

Entre les deux plats nous avons eu la légendaire soupe d’artichaut à la truffe noire. Les plats eux-mêmes sont très accomplis.

Nous avons décidé de ne pas prendre de dessert, mais toute l’équipe nous a submergés de gentillesse et de petites portions absolument délicieuses.

Quel bonheur d’avoir retrouvé ce grand restaurant et son équipe si chaleureuse.

déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur vendredi, 12 avril 2024

Un ami dont la vie a de multiples facettes a en tête un possible dîner chez un restaurateur qui a eu pendant quelques années le titre de meilleur restaurant du Monde par l’un des médias les plus sérieux qui attribuent ce type de prix. Je l’invite à déjeuner au restaurant Le Sergent Recruteur où officie Alain Pégouret qui a fait pour moi tant de dîners au restaurant Laurent.

J’arrive à 11 heures pour ouvrir la bouteille que j’ai apportée, après un périple en voiture invraisemblablement long, car la Mairie de Paris veut dégoûter tous les banlieusards de venir à Paris. J’ai choisi un Château Gruaud-Larose-Sarget 1934. C’est en 1867 que Gruaud-Larose s’est séparé en deux Gruaud-Larose distincts, le Sarget et le Bethmann devenu Faure-Bethmann, deux propriétés distinctes qui se sont réunies grâce à Cordier en 1934, négociant qui venait de les racheter. 1934 sera le dernier millésime où l’on a distingué les deux propriétés. Nous boirons donc le dernier Sarget.

L’étiquette est belle, le haut de la capsule est doré est de grande beauté. Le niveau est entre haute épaule et mi- épaule, ce qui est acceptable pour un vin de 90 ans. Le bouchon vient en mille morceaux du fait d’un pincement du goulot qui l’empêche de monter sans se déchirer.

Le nez est prometteur et Aurélien le sympathique et compétent sommelier pense de même. Je demande à Aurélien un champagne pour le repas. Aurélien a une très grande connaissance des champagnes de vignerons qui travaillent à la pureté et l’authenticité des vins. Je goûte un champagne qui est toujours millésimé, d’un millésime très récent, et c’est un peu dur pour moi de goûter ce champagne si jeune et sans aucune concession. Aurélien me verse ensuite un champagne fait selon la forme d’une solera commencée en 1990. Il y a beaucoup plus de matière et de consistance. Ce sera le champagne du début de repas.

Ayant du temps devant moi, je vois en cuisine de beaux petits poulets qui me tentent et une préparation de lotte. Ça pourrait faire mon repas.

Mon ami arrive et nous commençons par la traditionnelle et incontournable rillette de maquereau moutardée, qui met en valeur le champagne que je n’ai pas eu le réflexe de photographier et me reste donc inconnu.

Mon menu sera lotte contisée à l’anguille fumée, cuite au beurre d’amande, une ‘rôtie’, tatin de choux et pomme granny, sauce verjutée / volaille de Luteau rôtie à l’ail noir sous la peau, celtuces et bimis, fleurette d’herbes fortes et thé matcha. Mon ami prendra un menu très différent mais nos plats s’accorderont avec le vin qui apparaît maintenant.

Quand je verse le Château Gruaud-Larose-Sarget 1934 je suis étonné de voir le vin aussi clairet. Je constate que les parois de la bouteille sont noires. Le vin a collé au verre et ce que je verse est un peu dépigmenté. Le parfum du vin m’évoque un fût en cave dont on a soulevé la bonde. Quand on sent le vin à l’intérieur du fût, on a cette odeur. Aurélien à qui je sers un peu de vin a strictement la même sensation.

En bouche, ce qui m’étonne c’est que le fruit qui s’expose est puissant. Qu’un vin de 90 ans ait un tel fruit est étonnant. Mais le vin n’a pas de puissance. Il est clairet avec une acidité délicate. Beaucoup d’amateurs seraient rebutés par le manque de consistance, mais j’aime ce vin tel qu’il est là, atypique combinant un beau fruit et une délicate acidité. J’ai connu des Gruaud-Larose beaucoup plus généreux, mais ce vin se boit bien et nous finirons la bouteille.

Le bas de la bouteille donne un vin beaucoup plus foncé, plus riche et de plus forte personnalité. Il se trouve que j’ai bu 153 vins de 1934. Je situerais le vin que nous buvons dans le troisième tiers qualitatif, mais j’ai aimé ce vin comme il s’est présenté, étonné par son aussi beau fruit.

Les deux plats ont eu des cuissons idéales. Alain Pégouret est heureux dans son restaurant, Aurélien est un sommelier pertinent et chaleureux. Nous avons avec mon ami exploré des idées à mettre en œuvre. Ce fut un beau déjeuner.

restaurant Le Bon Georges dimanche, 7 avril 2024

Un ami
m’invite au restaurant Le Bon Georges dans le 9ème arrondissement de Paris. J’arrive en avance et je suis émerveillé par la décoration où pas un centimètre carré des murs n’est pas recouvert de témoignages culinaires, de belles affiches anciennes et d’ardoises qui présentent tous les plats.

Ici c’est un bistrot et le service est bistrot. Ce qui différencie un bistrot d’un grand restaurant, c’est que le serveur ou la serveuse du bistrot est toujours en mouvement et voit tout. Et s’y ajoute le sourire. Alors que la table est au nom de mon ami, un serveur me reconnaît et m’apporte la carte des vins que seul un haltérophile pourrait porter. A ma droite s’installe un client qui me reconnaît aussi et connaît mon nom. Apparemment, Instagram a un certain effet, au point qu’à la fin du repas le propriétaire et chef est venu me saluer en me disant que c’est un honneur de me recevoir. Calmons-nous, car mes chevilles pourraient enfler, ce qui ne serait pas bon pour la rééducation de mes genoux.

Sur une ardoise on annonce les pièces de bœuf par leur poids en grammes. La pièce de 890 grammes vient d’être vendue. Elle est donc rayée sur l’ardoise. Avec mon ami nous choisirons la suivante, de 780 grammes.

Marion nous présente les entrées et je choisis un vol-au-vent de morilles. Sur la carte des vins il y a beaucoup de vins et la lecture complète prendrait des heures. Il y a beaucoup de vins intéressants, mais dès qu’un cru fait partie des vedettes du moment, les prix deviennent stratosphériques. Le champagne Salon par exemple est inabordable ainsi que certains bourgognes.

Nous prenons un Champagne Philipponnat Clos des Goisses Extra-Brut 2009. Il est d’une belle maturité avec une bulle active. On sent qu’il est noble, mais il manque un peu de pep, d’énergie sympathique. Il n’en fait pas assez pour nous séduire. Il est grand, bien sûr, mais pas assez convivial.

Le Châteauneuf-du-Pape Clos des Papes 2010 est une splendeur. Lui au moins est communicatif. Il séduit, il fait du charme et son équilibre est tellement rassurant. Il y a sur la carte des vins du lieu des vins dix fois plus chers qui n’apporteraient pas autant de plaisir. Ce vin est un régal gourmand.

Pour le dessert nous prenons la mousse au chocolat pour deux dont Marion nous dit que personne n’arrive à la terminer. Nous n’avons pas cherché à entrer en compétition, mais qu’est-ce qu’elle est bonne !

Ce bistrot est le bistrot typique parisien où viennent les amateurs de bonne chère et de bons vins. Le plus amusant c’est que mon ami ne connaissait pas l’endroit. Il l’a choisi suite à une recherche et non une expérience. Bonne pioche !

Déjeuner de Pâques en famille lundi, 1 avril 2024

Il y a deux ans, j’ai acheté un appartement dans Paris pour servir de pied-à-terre, puisqu’Anne Hidalgo fait tout pour que les banlieusards n’osent plus venir à Paris. Elle devait être jalouse de Mai 1968 quand la circulation était figée. Maintenant grâce à elle, c’est Mai 1968 tous les jours. Le temps des formalités puis des travaux nous a permis de prendre jouissance réelle de l’appartement en ce début d’année. Le premier repas sera le déjeuner de Pâques avec ma fille et ses deux filles, sans ma femme qui est encore dans le sud.

J’erre dans la cave au hasard pour choisir les vins la veille. La première pioche est un Champagne Comtes de Champagne Blanc de Blancs 1985. La seconde bouteille que je prends en main un Vosne-Romanée Tastevinage 1952 des Chevaliers du Tastevin Morin Père et Fils 1949. Le niveau de la bouteille est bas et ne me fait pas trop confiance, aussi je prends un Musigny Champy Père et Cie 1953 au niveau plus encourageant.

Le champagne a un beau bouchon qui vient entier et le pschitt fait un beau bruit généreux, ce qui est bon signe. Son nez est plaisant.

En attendant mes invitées, je mets des chips à la truffe sur une assiette. Mes invitées arrivent.

Ma fille avait été chargée de la partie culinaire et elle a choisi des plats de toute première qualité. En entrée deux pâtés en croûte de la maison Vérot, le pâté vice-champion du monde et le pâté canard, figue et foie gras. Nous aurons ensuite une épaule d’agneau – Pâques oblige – avec des pommes de terre aux épices raffinées élaborées par ma petite-fille aînée, des fromages délicieux, tomme sur paille et autres grands fromages et nous finirons sur des merveilleux, ces desserts légers à se damner.

Ma fille n’avait pas encore vu l’appartement et ses filles l’avaient visité avant la fin des travaux. Elles complimentent le lieu. Les chips ont une caractéristique c’est que chacune doit immédiatement être suivie d’une autre, tant elle donne envie.

Le Champagne Comtes de Champagne Blanc de Blancs 1985 a encore un belle bulle active et sa couleur est celle d’un or de blé d’été. Le champagne est à la fois noble et conquérant mais aussi convivial et charmeur. Il est accompli et grand. Il va briller sur les pâtés en croûte gourmands comme lui. Voilà un grand champagne en pleine possession de ses moyens.

Sur l’épaule d’agneau le Musigny Champy Père et Cie 1953 est une incroyable surprise. Jamais je n’aurais attendu autant de vivacité, de richesse et de densité. C’est un grand vin intense et imprégnant, qui impose sa marque. Il a un fruit marqué et sa longueur est cohérente avec sa puissance. Je n’en reviens pas d’un équilibre aussi réussi.

Le vin est pertinent pour les excellents fromages et il reste du champagne pour les merveilleux à la meringue si légère.

Nous avons fini ce repas par une partie de belote coinchée acharnée où mes deux petites filles jouaient contre leur mère et moi. La cadette des deux a définitivement signé leur victoire en demandant une ‘générale’ qu’elle a réussi. Le nouvel appartement est bien baptisé.

Déjeuner au restaurant Astrance jeudi, 28 mars 2024

Deux mois exactement se sont écoulés depuis la dégustation des vins de Trévallon racontés dans le bulletin précédent. Deux mois sans vin car j’ai été opéré d’une prothèse totale d’un genou. Séjour dans deux hôpitaux, celui de la chirurgie à Toulon et celui de la rééducation à Hyères, ce qui a permis à mon épouse de venir me voir puisque notre résidence d’été (et en l’occurrence, d’hiver) est à courte distance.

On ne dira jamais assez l’engagement et la bienveillance du personnel hospitalier, du personnel soignant et de tous ceux qui accompagnent le retour à la vie normale des patients. J’ai été très impressionné par le travail qu’ils accomplissent avec engagement et sourire.

Pour le premier déjeuner de retour à Paris, nous avons choisi, avec un ami, le restaurant Astrance de Pascal Barbot et Christophe Rohat.

A mon arrivée nous avons bavardé en cuisine sur les péripéties et difficultés nées de l’ouverture du restaurant en plein Covid et de malfaçons contrariant le démarrage. J’y étais venu il y a un peu plus d’un an. D’emblée aujourd’hui on ressent que ce restaurant a pris un rythme de croisière de haute qualité.

Mon ami qui m’invite me laisse le choix des vins. Je repère sur la carte un Chablis Grand Cru Les Clos qui fera l’affaire et comme le menu-dégustation dont nous ne savons rien accueillera mieux les blancs, selon Christophe, s’ajouteront un Champagne Agrapart Terroirs extra brut et mon œil ayant glissé sur la carte, une Gueuse Lambic Cantillon.

Un craquelin aux pois chiches a des notes amères qui me semblent appeler la Bière Gueuse Lambic Cantillon mise en bouteille le 15 mai 2023. Quelle personnalité et quel accord ! J’ai suggéré à Christophe en fin de repas que cette combinaison soit proposée aux clients, tant elle est fusionnelle. La brioche est un délice et copine avec le Champagne Agrapart Terroirs extra brut fait de vins de 2011 et dégorgé en 2014. Ce Blanc de Blancs d’Avize me fait penser à une volonté très proche de celle d’Anselme Selosse. Le champagne est long, racé, vif et de grande intelligence. Au cours du repas si on ne savait pas quel vin prendre, la solution champagne était souvent la bonne.

Arrive le premier plat de bulot, huître et praire, sauce agrumes et piment qui offre des combinaisons de saveurs passionnantes. Le bulot appelle le Chablis Grand Cru Les Clos Vincent Dauvissat 2005. Le nez à l’ouverture est assez discret et ce qui me fascine, c’est la longueur de vin. Il est comme un ricochet réussi dont on voit qu’il pourrait être sans fin. C’est sans doute le plus accompli des vins de ce repas. L’huître impose l’Agrapart et la praire vogue avec la bière Cantillon. C’est un beau départ.

Il est à noter que la bière a une telle personnalité que l’on peut passer de la bière au champagne et inversement sans que cela heurte le palais. Les deux sont grands.

La coquille Saint-Jacques crue est accompagnée d’huître et de préparations assez vives. Vient ensuite du riz Koshihikari traité de façon japonaise avec une tartine de confiture de crevette particulièrement goûteuse. Le champagne accompagne le riz et la Gueuse le pain croquant.

Le turbot vapeur au koji est magique, d’une cuisson d’une rare justesse, et les barbes avec une sauce lourde sont à se damner. Le Chablis brille à coté de ce plat et sa longueur continue d’impressionner.

Un intermède de légumes est charmant.

Une feuille roulée crée une saveur qui nous fait réagir, mon ami et moi, car nous sommes face à un goût cohérent parfait où acidité et douceur sont à leur apogée. C’est flagrant.

Le plat de ris de veau et morilles fourrées à l’ail des ours et vin jaune est un plat gourmand. On se laisse aller à cet appel au bonheur. Le vin blanc est parfait et certaines parties du plat auraient pu accueillir un vin rouge.

Un plat combinant un granité de bleu d’Auvergne avec un kiwi rouge et un sorbet au basilic me séduit moins.

Une coupelle avec oseille et cacahuète est extraordinaire car les deux se combinent parfaitement. Bravo au chef d’avoir créé cette association.

Les œufs coque froids au jasmin rafraîchissants sont une tradition de Pascal Barbot. Et l’on finit avec des madeleines et des feuilles de chocolat.

Après deux mois sans vin et sans gastronomie, je me rends compte que ma vie actuelle se nourrit de gastronomie, de grands vins et de partage avec des amateurs et grands chefs. Je suis heureux dans ce monde de recherche de l’excellence. Pascal Barbot a un talent qui va s’exprimer dans ce bel écrin de la rue de Longchamp. J’ai passé un moment heureux dans ce restaurant qui promet d’être grand.

Déjeuner de conscrits jeudi, 25 janvier 2024

Nous nous retrouvons une nouvelle fois au Yacht Club de France pour un nouveau déjeuner de notre club de conscrits. L’ami qui devait nous inviter avait conçu un menu avec Thierry Le Luc mais une subite maladie l’a empêché de venir. Un autre ami le remplace.

Les hors d’œuvre d’apéritif sont toujours aussi copieux et délicieux : charcuterie fine, huîtres de Carantec au beurre blanc, crème Dubarry au homard. Nous buvons un Champagne Laurent-Perrier sans année qui est très agréable et très consensuel. C’est exactement ce que l’on attend d’un champagne non millésimé.

Le menu est ainsi composé : noix de Saint-Jacques en carpaccio vinaigrette fruit de la passion et langoustines rôties / pot au feu de la mer en courge potimaron / fromages / crêpes Suzette, tuiles crème pâtissière à l’orange.

Thierry Le Luc avait suggéré que l’on boive un Saint-Aubin 1er cru Murgers des dents de chien Domaine Berthelemot 2015. C’est une belle proposition car le vin est extrêmement agréable, fruité, généreux, agréable. Il n’est pas d’une grande complexité, mais sa spontanéité procure un grand plaisir.

Pour le fromage un Château les Carmes Haut-Brion 2002 est lui aussi d’une belle franchise et joyeux.

Nous avons accueilli un nouveau membre et les discussions ont été passionnantes. L’implication de toutes les forces vives du Yacht Club de France pour nous satisfaire ajoute à notre plaisir.

Déjeuner avec deux vins magnifiques mardi, 23 janvier 2024

Un jeune ami m’avait proposé de déjeuner avec un Moët & Chandon 1880 que nous avions apprécié. Nous nous retrouvons à nouveau pour déjeuner au restaurant Pages. Je n’ai pas pu arriver en avance aussi les vins sont ouverts au moment où nous entrons dans le restaurant.

J’ouvre mon vin, un Hermitage La Sizeranne Chapoutier 1949 au niveau parfait et à la couleur idéale. La capsule est en plastique et sur le haut du bouchon il y a une espèce de glu que je dois essuyer. Et l’odeur du haut du bouchon est très désagréable, combinant du caoutchouc et un fort vinaigre. Le bouchon vient en mille morceaux car le haut du goulot a un pincement qui empêche le bouchon de monter. A noter que le bouchon était fortement imbibé de vin.

Il est urgent d’attendre et je regrette de ne pas être venu deux heures plus tôt car ces odeurs auraient disparu plus vite. Mon ami ouvre la bouteille de Champagne Dom Pérignon 1982 à l’étiquette abîmée mais au millésime lisible. Le beau bouchon vient entier et sans pschitt, mais on voit que la bulle est abondante quand on verse dans les verres. La couleur est un peu plus ambrée que celle du Dom Pérignon 1982 que j’avais bu récemment.

Le champagne est un peu plus chaud qu’il ne devrait et tant mieux car cela lui donne une énergie et une largeur de toute beauté. Ce champagne est de belle maturité, vaste et complexe, entraînant. C’est certainement un des plus grands Dom Pérignon 1982 que j’ai bus.

Le menu est d’amuse-bouches puis de l’encornet avec une sauce crémée / lotte et coques et sauce umami / joue de bœuf, sauce au vin et carottes / wagyu et sa gaufre et Lucas a fait à ma demande un dessert très simple et parfait.

Le champagne prend de l’énergie sur les coques seules et brille sur la sauce umami.

L’Hermitage La Sizeranne Chapoutier 1949 m’enchante dès la première gorgée. Il n’a aucun défaut olfactif et ce qui frappe, c’est la fraîcheur et la jeunesse de ce vin délicat qui ne joue en aucun cas de sa puissance alors qu’il en a. Une merveille.

Il y avait à une table voisine un américain, une italienne et une française qui déjeunaient calmement, mais l’américain m’avait reconnu car il me suit sur Instagram. Je leur ai apporté un verre de chaque vin. Ils étaient aux anges.

La joue de bœuf est idéale pour l’Hermitage. Je n’ai pas le souvenir d’en avoir bu de si gracieux, et de si belle fraîcheur. Si on disait que ce vin est de 1990, ce ne serait pas choquant alors que le vin a quarante ans de plus.

L’Hermitage est aussi très bon sur le wagyu, mais le gras de la joue est plus pertinent sur le vin que le gras du wagyu.

Nous avons fini le champagne sur le dessert. Il avait gardé de sa fraîcheur et s’était encore élargi. Quel grand 1982.

Pierre Alexandre le directeur attentionné nous a fait goûter un Cognac X.O. Jean Doussoux Héritage très plaisant et peu pesant qui a mis un joli point final à ce beau déjeuner où les deux vins ont été au sommet de leur art.