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Ce blog n’est pas un guide au sens classique. C’est plus le roman d’aventures d’un passionné de vins anciens et de gastronomie.
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Le détail des prochains dîners se lit ici : https://www.academiedesvinsanciens.org/programme-des-diners/

 

 

 

 

(ouverture de Mouton 1918 dont l’étiquette Carlu est en tête de ce blog. A gauche, on reconnait Mouton 1945)

 

 

 

 

 

 

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Bulletins du 1er semestre 2025, du numéro 1043 à … mardi, 10 juin 2025

Bulletins du 1er semestre 2025, du numéro 1043 à …

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(bulletin WD N° 1061 250612)    Le bulletin 1061 raconte : déjeuner au restaurant Pages avec Richard Geoffroy, déjeuner au restaurant Solstice et déjeuner au restaurant l’Ecu de France.

 (bulletin WD N° 1060 250603)a  Le bulletin 1060 raconte : déjeuner au restaurant Pages, jour de mon anniversaire, avec deux champagnes icones de 1955, dîner avec mon fils et des vins inhabituels, déjeuner au restaurant le Sergent Recruteur.

(bulletin WD N° 1059 250521)    Le bulletin 1059 raconte : 295ème dîner au restaurant Astrance, dîner avec mon fils, déjeuner de Pâques et déjeuner pour mon anniversaire.

(bulletin WD N° 1058 250513)    Le bulletin 1058 raconte : déjeuner au restaurant le Sergent Recruteur, dégustation en cave et déjeuner à l’Hôtel du Marc de Veuve Clicquot, déjeuner à la maison et déjeuner au restaurant Pages.

(bulletin WD N° 1057 250429)    Le bulletin 1057 raconte : déjeuner dans le sud avec des amateurs, avec deux bordeaux de plus de 140 ans et trois vins d’Algérie dont deux rosés et déjeuner au restaurant du port.

(bulletin WD N° 1056 250415)    Le bulletin 1056 raconte : dîner avec de jeunes dégustateurs chevronnés au restaurant « Lesar », déjeuner au Cercle de l’Union Interalliée et 294ème diner de wine-dinners au restaurant Astrance.

(bulletin WD N° 1055 250404)    Le bulletin 1055 raconte : Caviar et Krug, Château Margaux avec ma fille, déjeuner au restaurant Le Relais Louis XIII, déjeuner au restaurant L’Harissa avec le groupe X-Couscous

(bulletin WD N° 1054 250327)    Le bulletin 1054 raconte : voyage à Saint-Sébastien avec dîner au restaurant trois étoiles Arzak et un autre dîner au restaurant deux étoiles Amelia. Anecdote émouvante sur le restaurant Le Saint-Cyrille à Paris.

(bulletin WD N° 1053 250321)    Le bulletin 1053 raconte : préparation d’un dîner en déjeunant au restaurant Pages, dîner avec un étonnant Moulin à Vent, déjeuner au restaurant le Petit Sommelier pour la première présentation officielle de Château d’Yquem 2022, dîner au Sergent Recruteur avec le propriétaire de Château Climens.

(bulletin WD N° 1052 250311)    Le bulletin 1052 raconte : déjeuner au restaurant L’Ecu de France, deux déjeuners au restaurant Pages, dîner avec mon fils, déjeuner de famille.

(bulletin WD N° 1051 250307)    Le bulletin 1051 raconte : le réveillon de la Saint-Sylvestre avec deux 1919 et deux 1911, compté comme 293ème dîner à la maison et repas d’amis avec deux Cuvée Cathelin Chave.

(bulletin WD N° 1050 250224)    Le bulletin 1050 raconte : 292ème dîner au restaurant Maison Rostand, dîner de Noël à la maison.

(bulletin WD N° 1049 250219)    Le bulletin 1049 raconte : Noël avant l’heure avec mes trois enfants, déjeuner à Rennes avec trois vins du 18ème siècle et d’autres raretés.

(bulletin WD N° 1048 250212)    Le bulletin 1048 raconte : dégustation des vins du millésime 2021 du domaine de la Romanée Conti et 291ème dîner au restaurant Astrance

(bulletin WD N° 1047 250204)    Le bulletin 1047 raconte : Une nouvelle façon d’organiser les dîners.

(bulletin WD N° 1046 250128)    Le bulletin 1046 raconte : déjeuner de conscrits au restaurant Pages, déjeuner de vins étonnants au restaurant le Sergent Recruteur, dégustation de champagnes Krug et repas à la maison familiale de la maison Krug.

(bulletin WD N° 1045 250121)    Le bulletin 1045 raconte : des Master Class du Grand Tasting de Bettane & Desseauve dont ‘assemblage et millésime : l’art du champagne selon Krug’, dont ‘la maison Laurent-Perrier à l’avant-garde de la Champagne’ et dont ‘Le Génie du Vin’.

(bulletin WD N° 1044 250114)    Le bulletin 1044 raconte : La 41ème séance de l’Académie des Vins Anciens au restaurant Macéo.

(bulletin WD N° 1043 250103)    Le bulletin 1043 raconte : dîner « Enigma » pour les gagnants d’une énigme au restaurant Pages, qui est le 290ème de mes dîners et déjeuner ‘rapide’ avec ma fille.

299ème dîner au restaurant Le Doyenné mardi, 10 juin 2025

Le 299ème dîner se tient au restaurant Le Doyenné situé à Saint-Vrain dans un parc de plus d’une centaine d’hectares. Le chef et copropriétaire est australien, James Edward Henry, qui supervise le restaurant et l’immense potager dont il tire le meilleur pour ses plats.

J’étais venu il y a six jours pour étudier sa cuisine afin de préparer le menu du repas de ce soir. Mes vins avaient été laissés sur place chez le propriétaire des lieux et qui est à l’origine de ce dîner d’amis. Trois des épouses qui auraient pu venir à ce dîner avaient choisi cette date pour faire une retraite méditative ensemble, aussi nous serons dix participants masculins sur dix, ce qui n’améliore pas la parité hommes femmes de mes dîners peu égalitaires. Pourvu que Sandrine Rousseau ne le sache pas.

Je suis arrivé à 15 heures pour ouvrir les vins. Deux des participants et le sommelier Romain vont assister à cette importante séance, ce qui leur permettra de témoigner de l’évolution des senteurs des vins sur plus de quatre heures. Il y a un nombre très important de vins dont le bouchon s’est déchiré en miettes, même lorsque j’utilise le tirebouchon et bilame Durand car beaucoup de goulots ont des renflements et des boursoufflures qui rendent impossible de soulever le bouchon sans qu’il ne se déchiquète.

Le seul vin qui a eu des brisures qui sont tombées dans le vin est l’Hermitage 1915 car il y avait une surépaisseur tout en haut du goulot qui a entraîné que le bouchon s’est entièrement déchiré.

Le Laville Haut-Brion 1967 est le seul qui a un nez de bouchon à l’ouverture. En nettoyant bien le goulot nous avons pu constater que le nez de bouchon s’estompait. Il a totalement disparu au moment où le vin a été servi. Les parfums les plus intenses sont toujours ceux des liquoreux. Les deux sont impressionnants.

Le menu composé par le chef est : charcuterie du Doyenné / huîtres d’Utah Beach, petits pois / dorade royale / Barbajuan de printemps, brioche surprise et crevette rose bouquet / saint-pierre, asperges blanches, noix / homard bleu grillé, giroles, huile de café / échine de cochon du Doyenné, ail confit et anchois / pigeon de Mesquer à la braise / foie gras poché au court-bouillon / riz au lait à la mangue / financier.

Certains amis étant arrivés assez tôt, Antoine a fait ouvrir un Champagne Selosse Version Originale sans année. Il est très agréable, raffiné et vif, jeune et plaisant, bien mis en valeur par les tranches fines de cochon.

Nous passons à table. Le Champagne Salon 2006 est servi, jeune, à la bulle active. Un des convives dira qu’il préfère le Selosse alors que je pense que le Salon est plus riche, plus complexe et plus énergique. La combinaison de l’huître et des petits pois très fins est inspirante, très semblable à des créations de Pascal Barbot, et met en valeur le Salon.

Le Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1969 est une grande surprise pour tous, car ce champagne, à l’opposé du Salon, offre un charme et une délicatesse extrêmes. Tout en lui est gourmandise et richesse cohérente. Les crevettes roses sont divines et s’accordent parfaitement au champagne.

Comme tous les Laville anciens, le Château Laville Haut-Brion 1967 est d’une couleur très claire. Ce vin blanc de Bordeaux est noble et fluide, de belle longueur. Celui-ci a un peu moins d’ampleur que des grands Haut-Brion blancs mais il est très agréable.

La même surprise du Moët après le Salon se produit pour les vins blancs avec l’apparition de l’Hermitage Chante Alouette blanc Chapoutier 1949. Quelle belle surprise que ce vin blanc joyeux, rond et de belle structure, large en bouche, intense et parfait pour le poisson. Les amis sont surpris qu’une asperge puisse créer un bel accord.

Ils auront la même surprise avec l’association d’un homard avec un bordeaux rouge, alors que traditionnellement, c’est le vin blanc qui est choisi. Le Château de Pressac Saint-Emilion 1966 est une belle surprise pour moi. Je ne l’attendais pas si large et si ample. C’est une beau bordeaux classique, de personnalité plaisante.

Le Château Ausone 1979 est noble, fin et racé, de belle amplitude. C’est un vin galant. Bel accord avec le homard parfait et avec les fines giroles.

Nous entrons dans les passages les plus glorieux de cet opéra gustatif. Le parfum de la Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983 est un moment d’une intensité rare. Nous entrons dans le monde du domaine de la Romanée Conti grâce à l’intensité émouvante de ce parfum. Le vin est délicat, subtil, et offre des goûts d’une complexité harmonieuse. L’échine de cochon est un bel accompagnant de ce moment rare où l’on savoure un vin impressionnant d’amabilité.

Je ne voulais pas que les deux vins du domaine de la Romanée Conti soient en concurrence, aussi est servi comme intermède l’Hermitage Rochefine Jaboulet Vercherre 1915 sur un délicieux pigeon. J’ai bu 33 vins de 1915 et c’est un millésime que j’adore, aussi pour son histoire mondiale. Mais bien sûr c’est la qualité intrinsèque de ce millésime qui me ravit. Cet Hermitage de 110 ans est sublime. Il est vivant, actif, avec un joli fruit plaisant. J’en suis amoureux et ce sera le premier dans mon vote. Toutes les idées préconçues de mes convives tombent. Il va falloir qu’ils révisent leurs sentiments sur les vins anciens.

La Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1974 est servie avec un foie gras poché, selon la petite coquetterie que j’ai lancée moult fois, parce que la chair délicate du foie gras poché est idéale pour mettre en valeur ce vin que presque tous mes convives découvrent pour la première fois. Ce vin est solide, riche et complexe. C’est un très grand vin sans le moindre défaut, mais qui n’a pas la subtile fraîcheur de la Romanée Saint-Vivant. J’ai adoré ses complexités et ce vin est placé dans mon vote devant la Romanée Saint-Vivant mais je comprends que le 1983 ait séduit beaucoup plus les convives.

Le Château de Rayne Vigneau Sauternes 1938 est très foncé, presque noir. Il est riche et conquérant, au parfum envoûtant. C’est un très grand sauternes, aussi grand que l’Yquem 1938 qui m’avait ébloui et étonné. Le riz au lait a un peu freiné le goût de la mangue.

Le Vin de Chypre 1870 est une immense surprise pour mes convives car ce vin a tout d’un vin éternel. Le parfum est guerrier et en bouche on ressent ce vin comme un vin qui durerait 400 ans de plus. Il est à la fois lourd et profond, mais aussi mentholé et aérien, extrêmement imprégnant et le financier calme sa fougue.

Je sens autour de moi que les visions sur les vins anciens vacillent et c’est une bonne chose. Nous allons voter. Les votes ont été assez longs à exprimer pour certains participants, mais tout le monde a voté. Deux vins n’ont pas eu de vote, mais cela s’explique. Le Salon 2006 n’en a pas eu car pour beaucoup, la découverte d’un champagne ancien aussi plaisant que le Moët 1969 a été une surprise très forte. Et il en est de même du Laville Haut-Brion 1967, très grand vin, mais mis dans l’ombre de l’excellent Hermitage blanc 1949, belle surprise.

Quatre vins ont eu des votes de premier, la Romanée Saint-Vivant 1983 a eu quatre votes de premier, la Romanée Conti 1974 a eu trois votes de premier, l’Hermitage rouge 1915 a eu deux votes de premier et le Rayne Vigneau 1938 a eu un vote de premier.

Le vote des dix participants est : 1 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 2 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1974, 3 – Vin de Chypre 1870, 4 – Champagne Moët & Chandon Brut Impérial 1969, 5 – Hermitage Rochefine Jaboulet Vercherre 1915, 6 – Château de Rayne Vigneau Sauternes 1938.

Mon vote est : 1 – Hermitage Rochefine Jaboulet Vercherre 1915, 2 – Vin de Chypre 1870, 3 – Romanée Conti Domaine de la Romanée Conti 1974, 4 – Romanée Saint-Vivant Domaine de la Romanée Conti 1983, 5 – Hermitage Chante Alouette blanc Chapoutier 1949.

Le chef James a parfaitement intégré mes recommandations pour que les plats créent une harmonie avec les vins, mais il a utilisé toute sa science et son talent pour réussir ce beau repas.

Tout semble indiquer que ce 299ème dîner ne sera pas le seul au Doyenné.

Déjeuner au restaurant La Maison Arthur Dubois lundi, 9 juin 2025

Un ami veut me faire connaître le restaurant La Maison Arthur Dubois dont le chef est Arthur Dubois lui-même. J’arrive un peu avant mon ami et je peux bavarder avec le directeur de salle et les sommeliers et serveurs, car je reconnais beaucoup d’entre eux que j’ai connus dans d’autres grandes maisons. Nous avons eu le temps de rappeler d’agréables souvenirs.

Le fait que le restaurant s’appelle maison est très justifié car lorsqu’on entre en ce lieu on se sent plus dans une maison privée que dans un restaurant. J’aurais volontiers pris le petit menu mais mon ami veut que je découvre toutes les facettes du talent du chef et nous nous embarquons dans une grande aventure.

Après avoir consulté le menu il apparait que le vin blanc s’impose. La carte des vins n’est pas très copieuse mais on peu trouver de beaux vins à des prix que ne sont pas dissuasifs.

Nous commençons par le Champagne Françoise Bedel « Comme Autrefois » 2006 qui est un assemblage des trois cépages de la champagne, le chardonnay étant le moins présent à 24%. Les amuse-bouches sont excellents et très variés avec des saveurs subtiles. C’est un beau démarrage.

Le champagne est racé, vif et précis, mais je ne suis plus habitué aux champagnes au dosage quasi inexistant. Le goût est un peu trop rigoureux.

J’ai choisi deux vins blancs très différents qui seront servis en même temps pour que nous puissions choisir l’un ou l’autre en fonction du plat.

Le Riesling Clos Sainte Hune Trimbach 2012 est un seigneur. Il est d’une puissance incroyable. C’est Alexandre le Grand en route pour conquérir le monde. J’adore la précision de ce vin.

Le Domaine de Chevalier Pessac Léognan blanc 2016 est un vin raffiné et précis. Il n’a pas la puissance de l’alsacien, mais il est d’une grande élégance. J’aime beaucoup la personnalité subtile de ce vin.

Le menu du chef est pantagruélique : amuse-bouche / belle langoustine, crème de laitue, récolte des jardins de la mer / l’encornet farci, anchois frais, a cru, ajo bianco, bouillon d’amande douce, colatura / truite confite de Stéphane Heinis, tagliatelles de celtuce, beurre de livèche au génépi / sole pochée, pistaches et feuilles de câpre, comme un « fish and chips » / lotte aux asperges blanches de Didier Pil, velours de crevettes grises à la pimprenelle / ris de veau croustillant rafraîchi au basilic, curry d’herbes fraîches, échalotes nouvelles / fraise Anaïs, sorbet au fromage blanc parfumé au combava, jus de fraise / cerise burlat, crème glacée à l’amande, cerises poêlées au kirsch.

Tous les plats sont intéressants et offrent des goûts raffinés. La cuisson de la langoustine est parfaite, l’encornet a une mâche idéale, la truite est étonnante, la lotte est un poisson expressif et gourmand. Le ris de veau est excellent mais nous aurions pu nous contenter de la moitié de la portion. Les desserts sont magnifiquement traités et la cerise est un vrai bonheur.

Nous avons discuté avec le chef qui explique bien sa cuisine raffinée. Ce fut un repas qui incitera certainement à ce qu’il y en ait d’autres.

Conférence dégustation pour des amoureux du vin mercredi, 4 juin 2025

Le club d’amateurs de vin du siège parisien d’une grande société de conseil internationale m’a contacté pour que j’organise une dégustation de vins de Bourgogne avec la plupart des membres du club. J’ai répondu positivement à leur demande.

Le choix des vins est toujours excitant car j’ai envie de convaincre ces amateurs de l’intérêt des vins anciens et de les faire rêver. Le programme que j’ai conçu m’a excité. Je l’ai communiqué à ma correspondante de ce club et j’ai ajouté un vin mystère dont je n’ai pas communiqué le nom.

J’arrive un peu après 15 heures au siège de cette société où il est impossible de circuler si l’on n’a pas un badge. Les salles qu’on me montre ne sont pas très adaptées à ce que nous voulons faire, mais les consultants étant des personnes foisonnant d’idées, une solution est trouvée.

L’ouverture des vins est un exercice qui demande de la patience. L’un des membres du club et ma correspondante ont assisté à ces ouvertures. En me regardant faire le membre du club est subjugué par le fait que même si le bouchon se brise en mille morceaux, aucune miette de liège ne tombe dans le vin.

Lors de cette ouverture, tous les parfums me sont parus très prometteurs. Aucun vin  n’a suscité de doute.

J’avais devant moi beaucoup de temps avant la conférence qui démarre à 19 heures. Julia, très aimablement, est restée avec moi sur la terrasse de l’immeuble d’où l’on voit la tour Eiffel et l’Arc de Triomphe. Nous avons bavardé par un temps clément.

Les membres du club arrivent. Je n’avais pas en tête autant de participants. Nous serons vingt ce qui pose un problème pour servir des bouteilles de façon équitable sans en oublier un. Celui qui a fait cette opération pendant la soirée l’a fait avec succès.

Comme je devais parler et animer la soirée, je n’ai pas eu le temps de prendre de note. Mes commentaires seront succincts.

Le Meursault Goutte d’Or Louis Latour 1995 est un vin doté d’un joli gras, de belle présence avec un finale très long.

Le Meursault Charmes Roulot 1997 me plait par sa grande présence en milieu de bouche. Les deux Meursault sont très différents. Globalement les participants voteront plus pour le 1995 qui est d’une belle fraîcheur et j’ai plutôt préféré le 1997 que j’ai trouvé plus riche et plus prononcé. Mais je peux comprendre que le Louis Latour est un meursault plus archétypal.

Le Corton-Charlemagne Eugène Ellia 1993 apporte plus de complexité et d’expressivité que les deux vins précédents. J’adore son dynamisme. C’est un vin très agréable.

Le Bâtard-Montrachet Veuve Henri Morini 1991 fait encore monter d’une marche sur l’échelle des plaisirs. Alors qu’il est d’une année dite faible et d’un vigneron qui n’est pas des plus connus, ce vin est riche et expressif, glorieux. Il sera largement plébiscité dans les votes.

Dans les fiches que j’avais préparées pour la dégustation j’avais oublié l’un des vins, le Puligny Montrachet Henri Boillot 1959 qui normalement n’aurait pas dû être servi après le Bâtard-Montrachet plus puissant. Et en fait ce Puligny s’est montré très agréable, rond et cohérent. Son âge le rend plus confortable.

Cette série de cinq blancs a été très diverse et plaisante. Un beau voyage dans les vins blancs de Bourgogne.

Il faisait très chaud dans l’immeuble et il n’y avait de disponible qu’un seul réfrigérateur. Aussi les blancs et les rouges étaient ensemble à une température intermédiaire. Aussi lorsque l’on a servi le vin des Hospices de Beaune Pommard magnum 1990, la fraîcheur du vin m’a enthousiasmé, car cela le rendait émouvant, séduisant, d’une longueur infinie. J’ai eu un moment de grand plaisir avec ce vin frais et entraînant. La délicatesse des Pommard.

Je ne me souviens plus très bien du Gevrey-Chambertin Jean Raphet magnum 1983 car je racontais des tonnes d’anecdotes. Il n’a pas tellement marqué les esprits, surtout le mien.

Le Chambolle Musigny 1er cru Les Vignes du château Grivelet magnum 1971 a tout pour lui, un grand vigneron et une très grande année. Et effectivement ce vin est une bombe. Il est généreux, puissant et très expressif. C’est un grand vin.

Le vin qui, à l’évidence, comble l’attente des participants est l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1994 du fait de la réputation du domaine. Mais la fraîcheur qui avait joué pour le Pommard joue aussi pour lui. Ce vin délicat est en même temps large et profond et il a la plus belle complexité. Ce vin, c’est du bonheur pur.

J’ai dit que j’avais aussi apporté un vin surprise mais je préfère que l’on vote maintenant et nous boirons ce vin après les votes.

Nous sommes vingt votants. Chacun a voté et les résultats sont intéressants. Les neuf vins ont eu au moins trois votes. Cinq vins ont eu des votes de premier. L’Echézeaux 1994 a eu 8 votes de premier, le Bâtard Montrachet 1991 a eu 7 votes de premier, le Chambolle Musigny 1971 a eu deux votes de premier et le Puligny 1959 comme le Meursault Goutte d’Or 1995 ont eu chacun un vote de premier.

Le vote de l’ensemble des participants est : 1 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1994, 2 – Bâtard-Montrachet Henri Morini 1991, 3 – Chambolle Musigny 1er cru Les Vignes de château Grivelet magnum 1971, 4 – Corton-Charlemagne Eugène Ellia 1993, 5 – Meursault Goutte d’Or Louis Latour 1995, 6 – Puligny Montrachet Henri Boillot 1959.

Mon vote est : 1 – Chambolle Musigny 1er cru Les Vignes de château Grivelet magnum 1971, 2 – Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 1994, 3 – Bâtard-Montrachet Henri Morini 1991, 4 – Hospices de Beaune Pommard magnum 1990, 5 – Corton-Charlemagne Eugène Ellia 1993.

J’ai tellement envie de convaincre les amateurs de vins que la « vérité » est chez les vins anciens, que je n’ai pas résisté au plaisir de faire goûter un Corton Clos du Roi L.A. Montoy 1929. A l’ouverture, il avait un parfum très plaisant. Ce vin subtil est adorable. Il n’a pas la puissance des vins jeunes mais il a un joli fruit et une cohésion qui est admirable. Je l’adore. 1929 est une de mes années fétiches.

Les membres du club sont émus évidemment et heureux de faire cette expérience qui repousse de beaucoup l’âge du plus vieux vin qu’ils aient bu.

J’espère par cette dégustation pour des amoureux du vin, les avoir encouragés à chercher à entrer dans le monde des vins anciens.

Déjeuner à la campagne en vue d’un prochain dîner mercredi, 4 juin 2025

J’avais déjeuné récemment avec un ami d’un ami qui souhaite que j’organise un dîner dans un village du sud-est de Paris. Dans un grand parc sont situés plusieurs immeubles, des potagers immenses, des chambres d’hôtes et une grande salle de restaurant.

Je m’y rends pour étudier la cuisine du chef australien Edward Henry James, un passionné d’herbes, d’épices et de nature, pour préparer un repas qui aura lieu une semaine plus tard.

Je suis accueilli par Antoine, propriétaire des lieux et Laurène son épouse avec qui nous déjeunerons. La salle de cuisine est très grande et beaucoup de jeunes y travaillent, parlant le plus souvent anglais. Le chef choisira lui-même les plats qu’il a envie de nous montrer.

J’ai apporté trois vins afin que nous les dégustions et afin que le chef puisse goûter des vins anciens qui pourront influencer sa cuisine.

Le Champagne Krug Grande Cuvée à l’étiquette crème est la deuxième édition de la Grande Cuvée, mise sur le marché au début des années 80. C’est un champagne magistral, rond, long et énergique. Un champagne majeur, tellement flexible qu’il accompagne les créations intéressantes du chef aussi bien à base de fruits et de légumes que de langoustines pâtés et cochonnailles.

Le Château Carbonnieux blanc 1967 m’a surpris par sa générosité. Il est tellement ample, rond et plein de charme. Il va divinement bien avec du homard et un poisson.

Le Chapelle Chambertin Clair-Daü 1976 est un pur plaisir raffiné. Noble, profond, intense et tellement long. Un grand Bourgogne qui s’allie bien au ris de veau.

Antoine et le chef ont préféré le Krug. J’ai eu une tendresse particulière pour le Carbonnieux.

Il a été très utile d’étudier la cuisine du chef, pour orienter et composer des plats en accord parfait avec les vins du futur dîner.

Tout semble réuni pour réussir un bel événement dans ce cadre champêtre.

298ème dîner au restaurant Astrance samedi, 31 mai 2025

Le 298ème dîner est marqué sous le signe de l’extravagance. J’avais eu la chance d’acheter six bouteilles de Champagne Blanc de Blancs de la coopérative de Mesnil sur Oger dont les millésimes allaient de 1964 jusqu’à 1949. J’avais envie de mettre ces six bouteilles dans le même dîner, ce qui est extravagant par rapport aux dîners habituels, où il est extrêmement rare qu’un vin soit dominant.

Quels autres vins mettre avec ceux-ci ? Il se trouve que j’avais eu l’occasion d’acheter les vins anciens de la cave de l’Institut de France qu’un des anciens gestionnaires de la cave avait rebouchées et cirées. Un risque existait avec ces bouteilles, mais comme le thème est l’extravagance, j’ai choisi deux magnums de 1947, de Château Margaux et de Château Lafite Rothschild. Pour compléter la liste des vins, j’ai choisi une Yquem 1988 et deux demi bouteilles du Maury 1925 que j’ai déjà souvent ouvert.

Un des inscrits a eu envie de confronter les deux 1947 avec un Mouton 1947 de sa cave. Normalement je refuse tout apport de l’un des convives car le menu est fait en fonction de l’ordre de présentation de mes vins. Mais comme le thème du repas était ouvert à toutes les folies, j’ai accepté qu’il apporte son vin.

A 15h30 je me présente au restaurant Astrance pour l’ouverture des vins qui ont été livrés il y a une semaine ainsi que 144 verres que je prête au restaurant. Lucas, le sommelier, a déjà présenté les bouteilles dans l’ordre de service. Il va beaucoup participer aux ouvertures.

Je suis étonné que les six champagnes du Mesnil soient aussi brillants au nez, car je redoutais d’éventuelles imperfections car une ou deux bouteilles avaient des niveaux assez bas. Les odeurs sont nettement au-dessus de ce que j’imaginais.

Le magnum de Château Margaux 1947 a un niveau de basse épaule. Le parfum est prometteur. En cassant la cire et en extirpant le bouchon, je vois qu’il s’agit d’un bouchon neutre.

Le magnum de Château Lafite-Rothschild 1947 a un niveau meilleur que celui du Margaux mais hélas il offre un nez de bouchon. Cela fait trois dîners de suite où j’ai trouvé des vins bouchonnés. Cette répétition est étonnante car le taux de vins bouchonnés est extrêmement bas dans mes dîners. Je me suis rendu compte que le plus souvent, les vins bouchonnés concernent des bouteilles qui ont été rebouchées. C’est dans cette opération que le goût de bouchon apparaît, ce qui est le cas pour ce Lafite. Avec Lucas, nous utilisons la méthode de la cellophane qui avait donné de bons résultats lors de deux précédents dîners. Nous verrons.

Les autres ouvertures sont sans histoire.

Lorsque nous avons travaillé sur le menu, le chef Pascal Barbot et moi, je lui ai dit que ce repas était une occasion pour qu’il laisse libre cours à son imagination et que son menu devait être extravagant.

Le menu qu’il a composé est une merveille, avec des textures impressionnantes. Il s’est fait plaisir pour nous faire plaisir : tartelette de carottes nouvelles & fleur de sureau / quelques coquillages & crustacés, crus & cuisinés / petits pois cuisinés & sauce X-O / grosses asperges blanches des Landes, consommé ibérique / nage de homard, consommé, quelques herbes & fleurs du moment / rouget vapeur, beurre blanc & sauce soja / volaille jaune des landes, parfumée à l’ail nouveau / caneton cuit au sautoir, essence de genièvre / stilton au naturel / tulipe croustillante, cacahuète de soustons, abricots / tartelettes chocolat.

Nous sommes onze avec de nombreuses origines comme les Etats Unis, de Miami ou de New York, Barcelone, et d’autres pays. Certains convives sont nouveaux, d’autres avaient participé à l’un des dîners que j’ai fait au restaurant Plénitude, et la plus fidèle de mes dîners, avec plus de 25 dîners est présente.

Je lui avais demandé de venir plus tôt pour parler d’un futur dîner et j’ai fait ouvrir un champagne que j’avais prévu « pour le cas où ».

Le Champagne Blanc de Blancs Oger Henry de Vaugency 1985 est agréable, très représentatif des vins de sa région qui jouxte le Mesnil sur Oger. Je lui trouve un petit manque de longueur. Un convive arrivé très en avance profite de ce champagne.

Les convives sont tous à l’heure sauf un qui est professionnellement impliqué dans le tournoi de Roland Garros et dont l’arrivée dépend de la fin des matchs. Il nous rejoint très vite.

Pour l’apéritif et la présentation que je fais de ce dîner, le champagne est le Champagne Blanc de Blancs Oger Henry de Vaugency 1980 qui était au programme. On mesure à quel point les amuse-bouches font épanouir les goûts des champagnes car avec l’huître au jambon ibérique, le champagne de 1980 gagne en largeur.

Pour ne pas créer de compétition entre les 1947, j’ai prévu trois groupes de vins accompagnés chacun de deux plats, composés de deux champagnes du Mesnil et un des vins de 1947.

Le premier groupe sera composé du Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1964, du Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1961 et du Château Margaux Magnum 1947.

Le 1964 est solide et engageant. Il a une belle structure. Le 1961 est beaucoup plus expressif. On mesure à quel point les champagnes anciens gagnent en rondeur, en complexité et en longueur.

Les petits pois sont irréellement bons. Je n’ai jamais mangé des petits pois aussi goûteux et charmeurs. Ils me donnent envie des les goûter avec le Margaux 1947 qui se révèle brillant, pur et d’une longueur extrême. Et c’est sur l’asperge que le Margaux crée un accord sublime, probablement le plus bel accord du repas. J’avais demandé que le consommé ibérique soit servi dans un bol séparé et les combinaisons avec ou sans consommé sont d’un intérêt extrême. On peut même profiter du vin rouge avec le seul consommé. Cette séquence est magique.

Le deuxième groupe de vins comprend le Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1959, le Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1957 et le Château Lafite Rothschild Magnum 1947.

Il va être accompagné par le homard puis par le rouget. Le 1959 est extrêmement élégant et expressif. Il a une grande énergie. Je n’avais pas le souvenir d’avoir goûté de champagnes de 1957 et en regardant mes notes, je n’en ai bu que deux fois dont l’une est ce même blanc de blancs de la coopérative de Mesnil sur Oger que j’avais apporté et bu avec Richard Geoffroy à l’Assiette Champenoise. Celui que nous buvons est meilleur que le précédent, mais il reste quand même en dessous du 1959.

Le Lafite 1947 a encore au nez des traces de bouchon, très inférieures à celles senties à l’ouverture, mais ces traces d’odorat ne gênent en rien le goût qui n’est pas altéré, sans être brillant. Il est un peu fatigué.

Le troisième groupe comprend le Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1952, le Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1949 et le Château Mouton-Rothschild 1947. Ils seront associés à la volaille blanche et au caneton.

Le 1952 est très intéressant et je l’ai apprécié plus que mes convives. Le 1949 est absolument sublime. Ce champagne est divin. Il a l’équilibre, la puissance et l’émotion. La chair de la volaille est tellement tendre qu’elle forme un accord magistral avec le 1949, champagne de grande noblesse.

Le Mouton-Rothschild 1947 d’un convive a un niveau basse épaule. C’est un très grand vin, d’une belle précision. Il est vivant et riche. L’accord avec le caneton est parfait.

Il y a bien longtemps je recommandais aux convives de mâcher le stilton jusqu’à ce qu’apparaisse en bouche de la salive, ce qui va permettre la magie de l’accord avec un Yquem, aujourd’hui le Château d’Yquem 1988. Et ça marche. Comme il s’agissait d’un dîner extravagant, Pascal Barbot a osé ajouter de la fourme d’Ambert que je ne demande jamais, car le stilton crée, à mon goût, le plus bel accord avec Yquem. Je dois avouer qu’il a bien fait de faire cet essai avec une fourme d’une maturité idéale. Il fallait que l’on soit extravagant jusqu’au bout, et Pascal a mis dans son dessert une glace ce que j’évite habituellement. Restons fous !

Le Maury La Coume du Roy 1925 offre toujours une délicatesse absolue et une grande séduction. La tartelette au chocolat est idéale et Pascal a ajouté un financier, comme pour refaire la paix avec moi, car il sait que c’est de point final traditionnel de mes dîners, alors que nous ne sommes pas en guerre.

Pascal Barbot s’est surpassé et la texture des plats m’a émerveillé. Le petits pois et le riz ont des goûts inouïs.

L’ambiance était joyeuse et complice. Nous faisions du hors-piste, de l’extravagant et cela a pleinement fonctionné, grâce aux vins hors du commun et grâce aux plats de haute qualité.

Nous avons tous voté pour les cinq vins que nous avons préférés parmi les douze vins. Ces votes ont quelques résultats inhabituels. Tout d’abord, tous les vins ont eu au moins un vote. Ensuite, seulement trois vins ont été nommés premiers, ce qui est très rare. Généralement cinq ou six vins sont nommés premiers. La concentration est forte : le Mesnil 1949 a eu cinq votes de premier, le Margaux 1947 a eu quatre votes de premier et le Mouton 1947 a eu deux votes de premier.

Le vote de l’ensemble de la table est : 1 – Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1949, 2 – Château Margaux Magnum 1947, 3 – Château Mouton-Rothschild 1947, 4 – Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1959, 5 – Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1961, 6 – Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1952.

Mon vote est : 1 – Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1949, 2 – Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1952, 3 – Château Margaux Magnum 1947, 4 – Champagne Blanc de Blancs coopérative de Mesnil sur Oger 1961, 5 – Château Mouton-Rothschild 1947.

Ce repas hors des sentiers battus est un repas mémorable et enthousiasmant.

297ème dîner au restaurant Maison Rostang mercredi, 28 mai 2025

Un ami qui a participé à plusieurs repas et m’a demandé d’en organiser soit pour des amis soit pour des relations professionnelles me demande d’organiser un dîner pour des amis proches qui partagent le même loisir, la chasse. Nous serons onze au restaurant Maison Rostang Nicolas Beaumann.

J’arrive à 15h30 au restaurant pour ouvrir mes bouteilles et je suis accueilli par Frédéric Rouen le directeur et par Jérémie le sympathique sommelier sans qui je ne serais peut-être jamais arrivé au bout de cette opération. Les premières bouteilles s’ouvrent assez facilement et quand j’ouvre le Haut-Bailly 1964, je ressens une odeur de bouchon. Elle est moins forte que celle du Y d’Yquem 1985 ouvert au dernier repas, mais elle est là. Alors nous allons utiliser la même méthode en créant un rouleau de cellophane que l’on trempe dans la bouteille. Au bout d’une heure, le nez de bouchon a un peu diminué et nous choisissons de garder le bâton de cellophane dans la bouteille une heure de plus.

Passant maintenant à l’ouverture de l’Ausone 1978, à peine ai-je piqué le tirebouchon que le bouchon glisse vers le bas, et malgré mes précautions il reste dans le bas du goulot. Il faut donc carafer le vin, extraire le bouchon, laver la bouteille vide et la sécher, puis remettre le vin dans la bouteille. On est très loin de l’oxygénation lente, mais on ne peut faire autrement.

Les ouvertures continuent avec des parfums très engageants, et je croyais être tranquille pour finir avec la Malvoisie 1828 car elle a un tout petit bouchon sous un chapeau de cire, mais une nouvelle fois le bouchon est tombé dans le liquide. Nous avons dû à nouveau utiliser une ficelle de cuisine pour enlever le bouchon lorsque le vin est carafé. La patience de Jérémie a été une aide précieuse.

Pour le 297ème dîner de wine-dinners, nous sommes onze dont dix chasseurs et moi non chasseur. Il y a deux femmes et neuf hommes. Huit ou neuf des convives sont des nouveaux participants à mes dîners. La joie d’être ensemble de ce groupe d’amis est un plaisir à voir et à partager. Ils ont tant à se dire que j’ai eu peur d’être isolé mais pas du tout, nous avons pu bavarder et vivre ensemble la belle aventure de ce repas.

Le menu préparé par le chef Nicolas Beaumann est : amuse-bouches / tourteau de casier décortiqué en fine gelée / homard bleu cuit au barbecue, les premières girolles, jus de la presse / rouget maturé, courgette, sauce des arêtes au vin rouge / volaille de Bresse, le suprême mariné à l’eau de noix, salsifis à la reine-des-prés et jus au vin jaune / asperge blanche des Landes sauce hollandaise / stilton / tarte tatin de mangue / financier.

Le Magnum Champagne Laurent Perrier Grand Siècle base 1996 1997 1999 avait fait un joli pschitt à l’ouverture. La couleur est claire et la fine bulle est abondante. C’est un champagne très confortable et engageant. Les amuse-bouches ont des goûts très forts et épicés et le champagne s’y adapte bien.

L’Y d’Yquem 1988 a une couleur très claire pour son âge et montre un joli botrytis qui lui donne des muscles. Sur le tourteau, c’est un vrai bonheur.

Les deux bourgognes blancs cohabitent avec le délicieux homard et sont radicalement différents. Le Bâtard-Montrachet Etienne Sauzet 1990 est très foncé et d’une grande richesse qui crée un accord avec la sauce du plat.

Le Chassagne-Montrachet Les Caillerets Ramonet 1988 est beaucoup plus clair et beaucoup plus délicat. Sa finesse est rare. Il est idéal avec la chair du homard.

Le rouget a été préparé pour s’accoupler aux deux Bordeaux. Le Château Haut-Bailly 1964 a quasi totalement perdu son parfum de bouchon et ce qui reste ne gêne pas le goût, au point qu’un des convives le mettra premier dans son vote. Le vin est lourd, truffé, très racé.

Le Château Ausone 1978 a été doublement carafé mais cela n’a pas altéré sa noblesse. C’est un grand vin au goût de truffe, idéal pour le rouget. L’accord a été parfait avec ces vins dissemblables.

Nous allons entrer sans le savoir sur le chemin du sommet du repas avec deux bourgognes éblouissants. Le Château Corton Grancey Louis Latour 1959 est un vin élégant, subtil, plein de charme.

Le Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961 est un vin puissant, cohérent, parfaitement accompli. Je l’avais déjà choisi dans 14 de mes dîners et il avait été premier 7 fois, second 3 fois et quatrième une fois. Il va être premier pour sa quinzième apparition. Il fait donc partie comme le Nuits Cailles 1915 de Morin Père & Fils des vins qui sont des valeurs sûres à chaque fois qu’ils sont servis.

Quand mes convives ont été servis des deux vins, ils ont compris qu’ils étaient en face d’une forme de perfection absolue des vins de Bourgogne. J’ai ressenti qu’ils étaient émerveillés, car ces goûts sont extrêmement rares.

Lorsque j’avais mis au point le programme des vins avec l’organisateur de ce repas, il m’avait dit : j’aimerais bien remplacer le Corton Grancey par un vin de la Romanée Conti et j’avais répondu que ce n’était pas possible, pour la cohérence du repas. Et j’ai fait imprimer les menus qui ne mentionnent aucun vin de la Romanée Conti.

C’est donc une surprise quand l’Echézeaux Domaine de la Romanée Conti 2014 est servi, accompagné d’un saint-nectaire. Ce vin tout en douceur, délicat est une belle promesse de grand vin mais on voit bien qu’après les deux autres bourgognes, il manque de corps et de largeur. Mais il est adorable quand même.

Le Château Grillet 1986 est un extraterrestre, un OVNI, car son goût ne correspond à rien d’autre. Déjà, au nez, on aurait peine à dire si c’est un vin blanc ou un vin rouge. En bouche, il est d’une solidité extrême et d’une personnalité unique, sans repère. Avec l’asperge blanche, l’accord est magique. Beaucoup sont surpris de l’audace de mettre l’asperge à ce moment du repas mais ils conviennent que cela est pertinent.

Le Château d’Yquem 1956 avait un bouchon d’origine. Sa couleur est extrêmement foncée, presque noire et son parfum est intense. Il a bénéficié d’un fort botrytis. Il est rond et joyeux, porteur de bonheur. L’accord avec le stilton est parfait et l’accord avec la Tatin de mangue est sensuel. C’est un grand Yquem à la longueur infinie, suave et séducteur.

La Malvoisie Canaries 1828 est aussi un OVNI car au-delà de son goût riche et dense de vin liquoreux muté, il offre la fraîcheur d’un vin mentholé, frais comme un Xérès. Là aussi on est en face d’un vin à la longueur infinie. Le financier crée un équilibre parfait avec ce vin de 197 ans du 297ème dîner. La magie des chiffres.

Il est temps de voter. Je sens que ce groupe si sympathique a été surpris par la qualité des vins.

Les deux bourgognes de 1959 et 1961 cannibalisent les votes. Ils ont chacun quatre votes de premier. La Malvoisie 1828 comme le Château Grillet 1986 et le Haut-Bailly ont chacun un vote de premier.

Le vote de la table est : 1 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 2 – Château Corton Grancey Louis Latour 1959, 3 – Château d’Yquem 1956, 4 – Château Grillet 1986, 5 – Malvoisie Canaries 1828, 6 – Château Haut Bailly 1964.

Mon vote est : 1 – Malvoisie Canaries 1828, 2 – Château d’Yquem 1956, 3 – Chambertin Clos de Bèze Pierre Damoy 1961, 4 – Château Grillet 1986, 5 – Château Corton Grancey Louis Latour 1959.

Les accords ont été pertinents. Les plus beaux sont ceux avec le homard, le rouget et la volaille. Le plus original est celui de l’asperge avec le Château Grillet vin le plus énigmatique et passionnant de ce fait.

Nicolas Beaumann a fait une cuisine idéale pour les vins et Jérémie a géré le service des vins avec une attention qui mérite des compliments.

La complicité joyeuse de ce groupe d’amis a créé une ambiance chaleureuse. Ce dîner fut porteur de bonheur.

Compétition de dégustation à l’aveugle chez Bollinger mardi, 27 mai 2025

Deux jours après le déjeuner à Plénitude avec tous les premiers grands crus de Bordeaux, je pars de bon matin vers le pressoir de la maison Bollinger à Mareuil-sur-Aÿ, car je serai membre du jury de la quinzième édition de la compétition de dégustation à l’aveugle créée par Sciences Po Paris et réservée à 14 grandes écoles françaises, mais aussi à une fidèle école, celle d’Oxford.

Chaque école est représentée par trois élèves. Il y a deux écoles par table. Les épreuves comportent quatre séries de quatre vins. Pour chaque série les élèves disposent d’un temps limité. Ils doivent donner pour chaque vin le cépage, l’année, la région, l’appellation et le viticulteur. Inutile de dire que jamais je ne serais admis à concourir pour de tels exercices.

Les copies sont traitées par des experts qui ne sont pas le jury dont je fais partie. On détermine les cinq meilleures écoles qui vont avoir à passer de nouvelles épreuves de dégustation puis un questionnaire de culture générale sur le vin. C’est beaucoup plus difficile.

Les correcteurs classent les cinq premières équipes qui font la deuxième partie des épreuves et après correction donnent le résultat : les deux premiers sont HEC et Normale Sup.

Ces deux équipes candidates à la victoire dégustent des vins et répondent aux questions générales et c’est maintenant au jury de jouer son rôle en jugeant l’épreuve orale. Chaque élève d’une équipe va décrire un des vins, donner ses caractéristiques et l’identifier. Il doit aussi, au moins pour un vin, proposer un accord mets et vins.

Nous allons juger ces prestations comme le font les jurys des concours de sommellerie et je suis impressionné par les connaissances et l’aisance de ces jeunes élèves.

Après la prestation des six élèves nous nous réunissons en petit comité avec les membres du jury dont le directeur de Bollinger, le secrétaire général et l’œnologue, un expert de Bettane & Desseauve et moi. Un détail mérite d’être signalé. Pour le jury, l’un des vins est un bordeaux. La seule femme des six élèves, de l’équipe HEC, dit aussi bordeaux et sa présentation est une des plus réussies. Mais manque de chance, il s’agit d’une Côte Rôtie La Landonne de Guigal. Il est assez difficile d’en vouloir à la jeune élève quand le jury a fait la même erreur.

Après de longues délibérations car les deux équipes d’étudiants ont été brillantes, nous avons déclaré vainqueur le groupe d’élèves d’HEC.

J’ai demandé aux organisateurs de Science Po que les deux équipes gagnantes soient à la même table avec moi et avec les organisateurs de Science Po, afin qu’ils puissent goûter les vins du déjeuner à Plénitude d’il y a deux jours, dont j’avais gardé les fonds de bouteilles. Les seuls vins qui avaient été bus entièrement étaient l’Yquem 1935, le Lafite 1955 et le champagne Heidsieck 1955.

Les élèves ont été émerveillés de goûter ces vins qui sont d’un monde qui leur est inconnu. Les voir aussi joyeux est un immense plaisir pour moi. Ils ont été impressionnés par la jeunesse de ces grands vins qui ne montrent aucun signe de faiblesse, sauf le Château Margaux 1905 qui a quasiment rendu l’âme. La plus belle surprise pour eux est la Malvoisie 1875 tellement puissante et expressive, avec une longueur infinie.

Je me suis rendu compte que je serais incapable de faire ces concours. Ma consolation est d’avoir émerveillé ces jeunes amateurs de vin si sympathiques.

Merci à la maison Bollinger qui a permis que se tienne cette belle compétition et merci aux organisateurs de Science Po qui m’ont fait l’honneur de m’inviter au jury.

Des témoignages chaleureux – 296ème repas dimanche, 25 mai 2025

Déjeuner Plénitude du 22 mai 2025 – suite au 7ème étage de l’hôtel Cheval Blanc Paris.

Les deux éditeurs qui vont inclure dans un prochain livre le menu du repas que nous venons de vivre nous rejoignent sur la terrasse pour bavarder avec les participants du repas et expliquer leur projet. Ils auront l’occasion de boire avec nous la Malvoisie 1875 et l’alcool du 18ème siècle.

Ils ont apporté avec eux l’un de leurs beaux livres sur la gastronomie et demandent aux participants d’écrire un mot sur ce repas. Voici les dédicaces que j’ai lues sur ce livre.

De GR : Merci François pour ce déjeuner fantastique accompagné par des vins incroyables. Ou l’inverse : des vins incroyables accompagnés par des mets parfaitement accordés. Au plaisir du prochain déjeuner / dîner.

De NT : Thank you for the memorable experience. To get introduced to the wines and the privilege is a very fortunate event for myself and I will never forget it.

De EF : Merci beaucoup François pour ce déjeuner incroyable. C’était une expérience unique et inoubliable !

De NT : Thank you for the opportunity to participate in the wine tasting of rare and ancient wines. It is truly an extraordinary event. Your hospitality and curated selection of food made the afternoon unforgettable. It was an honor to share such an amazing tasting. Thank you!

De NK (l’un des éditeurs) : François, tu es un génie. Merci de ta confiance et d’avoir relevé le gant.

Vive « 1855 Culte & Culture ». Avec toute mon amitié.

De RB : « le bon vin inspire de la gaieté aux hommes » (Manon Lescaut 1731). François, chaque dîner me remplit de joie. Merci de me faire partager tant de moments magiques.

De PT : Cher François, merci pour cet événement inoubliable. Avec Arnaud vous avez créé quelque chose ‘unique et vous nous avez gâtés. Pour tous les événements auxquels j’ai participé au fil des ans, cette fois, vous vous êtes surpassé et ce fut un honneur d’être parmi vous aujourd’hui pour une occasion aussi spéciale. Pour toutes ces années d’amitié et pour toutes les expériences que vous avez apportées à ma vie, je vous remercie du fond du cœur. A la revoyure comme dit GG (un ami commun).

De GD : un grand vin, comme un grand plat, sont une paire indissociable. Exercice parfaitement réussi. C’est un immense privilège d’y participer.

De DB : François, un moment magique et éternellement gravé dans nos mémoires. Un grand merci pour figer à jamais dans le temps ces moments inoubliables.

De OP : Merci infiniment de ce voyage à travers les décennies et pour votre générosité sans concession. La boule de ma reconnaissance roulera à jamais dans les couloirs de l’éternité.

De JMS (l’un des éditeurs) : quel défi magistral … comme toi.

De PR (non participant, mais intéressé à rencontrer les éditeurs) : Merci de m’avoir accueilli au 7ème étage de l’hôtel pour goûter ce vin du 18ème siècle !

De Arnaud Donckele : pour mon adorable François. Affectueusement pour toi. Ton commis éphémère.

296ème repas de wine-dinners avec tous les premiers grands crus classés de Bordeaux samedi, 24 mai 2025

Des amis sont éditeurs de beaux livres qui présentent des menus historiques. Ils ont l’intention de publier un livre sur les premiers grands crus classés lors de la classification des Bordeaux de 1855. Ils me disent qu’ils aimeraient que je fasse un dîner sur ce thème, dont le menu serait mis en tête de leur livre.

L’idée me séduit, mais je tiens à séparer le dîner du livre pour que l’atmosphère lors de ce repas ne soit pas influencée par ce projet. La première mission est de choisir des vins dans ma cave. C’est assez excitant. J’ai envie que tous les vins aient un millésime qui finit par 5. J’élargis le groupe des premiers grands crus classés de 1855 en choisissant un Mouton-Rothschild qui n’a été premier grand cru classé que lors d’une révision en 1973 et en prenant deux Cheval Blanc, car la classification de 1855 ne portait que sur les vins de la rive gauche de la Garonne.

Pour finir le programme, je choisis deux champagnes de 1955, nés cent ans après 1855, deux vins blancs secs de Bordeaux, un liquoreux de Bordeaux et nous finirons avec une Malvoisie de Madère qui trouve sa place car c’est le seul vin du 19ème siècle.

Nous devrions être treize à table, mais Saint Pierre ne voulait sans doute pas accueillir celui qui se lèverait de table en premier en fin de repas, il a fait en sorte qu’une femme inscrite ne soit pas venue.

Une vigneronne de l’un des premiers grands crus, ayant vu que je mettais un 1965 de son domaine, a décidé de m’adresser un magnum de 1955, d’une année plus prestigieuse. Dans le feu de l’action de l’ouverture des vins j’ai aussi ouvert le 1965. Avec une personne de moins et un vin de plus, les participants sont gâtés.

Lorsque j’ai rencontré Arnaud Donckele avec Clément chef de cuisine, Camille, coordinatrice et Alexandre, directeur du restaurant, pour définir le menu de ce repas, j’ai dit à Arnaud : « tu fais ce que tu veux, tu t’éclates, car le choix des vins permet que tu laisses libre cours à ta création ». On a bien sûr structuré le menu après cette profession de foi, mais j’aime quand Arnaud est libre de créer.

Le résultat est assez spectaculaire : Gambero, tourteau, yuzu POUR vinaigrette « fiolaro » / Lapin, petit pois, romarin POUR éphémère « successif » / Morille, escargot, truite POUR bouillon « comptine » / Bécasse des mers, oursin, laurier POUR double sauce « tanin des failles rocheuses » / Ysia / Ris de veau, girolle, amande POUR fricassée « dévoyée » / Pigeon, blette, abattis POUR salmigondis « âmes fougeuses » / Hure royale à la cuillère / Soufflé Rothschild POUR crème glacée « plombière » / Baba y POUR chantilly « crocus d’orient » / Financier de François.

J’ai mis le mot POUR en majuscule car la philosophie d’Arnaud Donckele est que le plat est fait POUR la sauce. Et cela crée une cuisine magique.

Le 296ème repas de wine-dinners se tient donc au restaurant Plénitude Arnaud Donckele. J’arrive à 8 heures pour l’ouverture des vins. Je suis accueilli par Alexandre Larvoir, le directeur et par Chloé, sommelière, qui m’apportera son aide pendant cette opération qui durera un peu plus de deux heures. Je commence par ouvrir le Château Margaux 1905, le plus vieux des premiers grands crus classés de ce repas. Le niveau est bas et le premier parfum est assez fatigué, mais je pense que le vin pourrait s’épanouir. Le Haut-Brion 1925 est à mi- épaule. Lui aussi a une première senteur poussiéreuse, mais j’ai beaucoup plus confiance.

Je veux passer ensuite à l’Y d’Yquem 1985 qui pour moi est une valeur sûre, mais une affreuse odeur de bouchon attaque mes narines. Je me sens tout penaud. Peu de temps après, j’ai envie d’essayer une méthode dont j’avais entendu parler. Chloé cherche de la cellophane et fabrique une sorte de saucisse fine de cellophane que l’on va laisser tremper dans la bouteille pendant plus d’une heure. Le miracle se produira puisque l’odeur de bouchon aura définitivement disparu.

Les bouchons des vins ont été très souvent coriaces, difficiles à tirer et j’ai vu aussi des bouchons minés par de petits insectes qui avaient transformé le liège en charpie. Ce qui est impressionnant, c’est qu’aucun des 17 vins ouverts ne s’est montré imbuvable, puisque l’Y d’Yquem a ressuscité.

Même avec l’aide de Chloé, j’ai fini épuisé après avoir bataillé avec les bouchons. Emmanuel Cadieu, le responsable de la sommellerie des restaurants de l’immeuble Cheval Blanc a suivi avec soin le service des vins.

Nous sommes donc douze. Un ami allemand fidèle de mes repas est venu avec sa femme, son fils et l’amie de son fils. Deux participants d’un déjeuner récent à l’hôtel du Marc de Veuve Clicquot sont venus avec femme ou amis, une vigneronne bordelaise est venue de Bordeaux et un ami de mon fils a complété la table. Le repas s’est tenu essentiellement en français.

Le Champagne Charles Heidsieck 1955 est le champagne de bienvenue. Sa rondeur joyeuse en fait un champagne gourmand et agréable. Le monde des champagnes anciens est fascinant.

Le Champagne Moët et Chandon 1955 est moins rond mais plus raffiné. Selon son goût chacun peut préférer l’un ou l’autre mais les deux sont très nobles et plaisants. Parmi les délicieuses choses à grignoter, montrant des goûts de complexités extrêmes, l’huître est émouvante.

Y d’Yquem 1985 est vraiment une grande surprise car il n’a pas l’ombre d’un nez ni d’un goût de bouchon. On sent bien le solide botrytis qui lui donne une ampleur appréciable. C’est un grand vin.

A côté de lui le Château Laville Haut-Brion 1975 est plus strict. Je l’attendais plus tonitruant mais il est élégant. Les deux blancs sont associés au Gambero magique dont la chair est sublime et la farce sous la coquille de la tête qu’on croque avec gourmandise. Ça commence bien !

C’est maintenant un long chemin avec onze vins rouges, tous premiers grands crus classés ou assimilés, servis du plus ancien au plus jeune. N’ayant pas pris de notes et accaparé par les vivantes discussions, mes descriptions seront limitées.

Plus que d’autres, j’accueille avec plaisir les vins très anciens. Aussi le Château Margaux 1905 qui a 120 ans et avait un niveau bas m’émeut par ses subtilités discrètes malgré un petit défaut. Il n’a pas eu de votes, mais j’ai aimé son expression.

Au contraire le Château Haut-Brion 1925 qui a cent ans est magique. Il y a plus de vingt ans, j’avais rencontré l’un des plus grands collectionneurs de Pétrus, qui connait bien les vins anciens. Il me dit que son meilleur Haut-Brion est 1926 et cela m’étonna, car le mien est aussi 1926, que peu d’amateurs désigneraient quand il existe tant de grands Haut-Brion tels que 1928 ou 1945. Aussi, trouver un 1925, de l’année voisine, aussi grand est une belle surprise. Arnaud tenait beaucoup aux petits pois avec le lapin. Le plat et l’accord sont osés mais splendides.

Le plat où se côtoient une puissante morille, un escargot et une truite est associé à deux merveilles. Le Château Cheval Blanc 1945 est un vin splendide et sera le vainqueur des votes. Il avait été vainqueur quand je l’avais inclus dans un dîner au château d’Yquem où Pierre Lurton a pu l’apprécier.

Le Château Haut-Brion 1945 est aussi un grand vin solide mais pas au niveau du Cheval Blanc. Il est solide et a les qualités des grands Haut-Brion.

La bécasse des mers accompagne les deux 1955. Le Château Latour 1955 me plait beaucoup et je l’ai mis troisième de mes votes. Le Château Lafite-Rothschild 1955 magnum que m’avait envoyé la vigneronne est extrêmement solide, structuré, conquérant. Arnaud est venu nous saluer et a gentiment dit que l’on appelle le plat de rouget « le rouget de François Audouze » car il a été mis au point lors de discussions que nous avions eues. Mais on sait que le talent est du côté du chef.

Le Château Lafite-Rothschild 1965 qui n’aurait pas dû être servi est beaucoup plus plaisant que ce que son millésime faible laisserait supposer et il en est de même pour le Château Latour 1965, tellement brillant qu’il sera le second dans le classement global de notre table. Le temps révèle les petits millésimes.

Le ris de veau est d’une perfection absolue et le Château Cheval Blanc 1975 est une belle surprise. On dirait que tous les rouges se sont ligués, comme une équipe de rugby, pour être tous brillants.

Le pigeon accompagne les deux plus jeunes, le Château Lafite-Rothschild 1985 et le Château Mouton Rothschild 1995 très original. Le 1985 a un talent naturel qui explose.

Les saveurs du dessert, d’abord du soufflé et ensuite du baba, sont idéales pour un Château d’Yquem 1935 que j’adore. Les sauternes de 1935 ont un botrytis très discret, qui permet de mettre en valeur de subtiles et délicates saveurs. Je m’en régale.

Nous montons au septième étage pour boire la Malvoisie Madère 1875 avec le « financier de François » comme il est intitulé par l’équipe de Plénitude. Nous sommes réunis avec les deux éditeurs. Le madère est très classique et tellement long en bouche, apaisé par le financier. Sa puissance et sa rémanence sont infinies.

La veille j’avais pensé, malgré la pléthore de vins, que j’aimerais bien finir sur une grosse surprise. J’ai en cave un groupe de vins du 18ème siècle très beaux, qui n’ont absolument aucune indication. Par transparence à travers un verre opaque on peut voir que c’est un vin blanc ou un alcool blanc. Je l’ouvrirai sans savoir, au dernier moment. Immédiatement on sait que c’est un alcool, avec un final assez sucré. On dirait un armagnac qui a flirté avec un Bourbon. Ce qui est sûr, c’est que l’alcool est du 18ème siècle, car la comparaison avec la Malvoisie indique un écart d’au moins cent ans. C’est en rentrant chez moi que j’ai eu une piste. J’ai bu un Calvados de 1903 qui a un finale qui apporte la même douceur que ce vin inconnu. L’idée d’un Calvados vers 1760 par exemple est d’une bonne probabilité.

Nous avons fait nos classements au septième étage de l’immeuble de Cheval Blanc Paris. Le document qui permet de voter n’inclut pas le Lafite 1965. On ne vote que sur 16 vins. Un seul vin n’a pas eu de vote, le Margaux 1905 qui n’a pas démérité. Quinze vins ont eu au moins deux votes. Fort curieusement, le Latour 1955 qui est mon troisième n’a reçu aucun autre vote.

Il y a six vins qui ont été premiers dans les votes, ce qui me plait beaucoup. Le Cheval Blanc 1945 a eu quatre votes de premier, Haut-Brion 1925, Haut-Brion 1945 et Lafite 1955 ont eu chacun deux votes de premier. Heidsieck 1955 et Latour 1965 ont eu chacun un vote de premier.

Le vote global est : 1 – Château Cheval Blanc 1945, 2 – Château Latour 1965, 3 – Château Haut-Brion 1925, 4 – Château Haut-Brion 1945, 5 – Château Lafite-Rothschild 1955 magnum, 6 – Château Cheval Blanc 1975.

Mon vote est : 1 – Château Haut-Brion 1925, 2 – Château Cheval Blanc 1945, 3 – Château Latour 1955, 4 – Château Latour 1965, 5 – Champagne Moët et Chandon 1955, 6 – Château Cheval Blanc 1975.

En cours de repas, j’ai demandé que toute l’équipe de cuisine et de service nous rejoigne pour qu’on les applaudisse. Il y a entre autres Camille, Marion et Viola qui ont fait un service exemplaire. J’ai senti que toute l’équipe de 33 personnes avait saisi comme nous qu’il s’agissait d’un repas totalement exceptionnel tant le talent d’Arnaud Donckele avait produit un menu exceptionnel et émotionnel.

Nous avons tous senti qu’il y avait de l’amour dans ce grand repas.